Les militants kurdes, qui plaident pacifiquement depuis 12 ans pour la libération d’Abdullah Öcalan devant le Conseil de l’Europe, ont été violemment agressés ce dimanche vers 14 h 30 par les Loups gris*, reconstitués malgré leur dissolution. Il s’agissait de la deuxième attaque menée contre la veille permanente kurde de Strasbourg.
Abdullah Öcalan, également connu sous le surnom d’Apo, né le 4 avril 1949 dans le village de Ömerli (Amara en kurde, rattaché à la ville de Halfeti), est un homme politique kurde de nationalité turque, et leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (ou PKK, groupe considéré comme terroriste par la Turquie, les États-Unis et l’Union européenne)*.
Öcalan fonde en 1978 le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), sur la base d’un programme revendiquant un Kurdistan unifié, indépendant et socialiste. Son organisation lance une lutte armée prolongée en 1984, avant qu’il ne propose plusieurs trêves au cours de la décennie suivante. Au cours des années 1990, il abandonne ses revendications maximalistes, donnant désormais la priorité à une solution politique, pacifique et démocratique à la question kurde.
Öcalan est arrêté le 15 février 1999 et emprisonné en Turquie, où il est condamné à la peine de mort pour terrorisme. La sentence n’est cependant pas mise à exécution, le pays abolissant la peine capitale en 2002. Sa peine est alors commuée en prison en vie, il est détenu sur l’île d’Imrali. En 2008, ses avocats et Amnesty International dénoncent des tortures à son encontre perpétrées par les gardiens.
Conditions carcérales sur l’île d’Imrali
Ses conditions de détention sont obscures dans la mesure où il est soumis à un isolement total. L’île d’Imrali où il est emprisonné, est une zone militaire située dans la mer de Marmara. Öcalan y a passé les dix premières années de sa peine en tant que seul prisonnier de l’île, surveillé par plus d’un millier de soldats. En 2009, une nouvelle prison est construite pour lui et trois autres prisonniers sont transférés sur l’île. Toutes les cellules de cette nouvelle prison sont conçues pour l’isolement. Chacune est pourvue d’une petite cour séparée dont les murs sont si hauts qu’on s’y sent comme au fond d’un puits.
Öcalan a été privé de relations épistolaires et téléphoniques. Il y a quelques années, quelques rares rencontres avec ses avocats et avec sa famille, seulement après des mouvements prolongés de grève de la faim, avaient été possibles.
Depuis 2021, ni amis, ni famille, ni avocats, n’ont pu avoir de ses nouvelles, ni des trois autres prisonniers retenus sur l’île. Ibrahim Bilmez, l’un de ses avocats en visite au Conseil de l’Europe, avait accordé un entretien au journal l’Humanité le 8 février 2024. Depuis 2019, Öcalan n’a eu aucun entretien ou contact avec ses avocats. En mars 2021, il y a eu un seul échange téléphonique avec l’un des membres de sa famille. L’entretien a duré 4 minutes et il a été coupé alors que l’échange était en cours, au moment où Öcalan demandait pourquoi la Turquie ne respectait pas ce droit fondamental qui permet à un détenu d’échanger avec ses avocats. Depuis il n’y a eu aucun contact téléphonique, ni échange de lettres, aucune nouvelle. Il faut rappeler que la répression frappe aussi les avocats en Turquie. En avril 2021, plus de 30 avocats avaient été arrêtés.
On ne sait absolument rien à propos de son état de santé. On lui inflige une peine qui ne devrait pas exister, une peine qui n’a jamais été prononcée. La Turquie se moque totalement d’une institution comme le CPT du Conseil de l’Europe (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants), alors qu’elle est membre du Conseil de l’Europe, et qu’elle a signé les conventions contre les traitements dégradants.
Lors d’un entretien en août 2019 avec cinq de ses avocats. Il avait tendu la main : si le gouvernement turc faisait preuve de bonne volonté et s’il voulait s’engager dans une politique sérieuse, il était lui-même prêt à aider afin que l’on puisse trouver une solution à la cause kurde. Malheureusement, les autorités turques n’ont pas saisi cette proposition. Au contraire, alors qu’on attendait des changements positifs pour les Kurdes, la Turquie a lancé des opérations militaires contre eux, notamment au Kurdistan irakien et contre le Rojava, dans le nord de la Syrie.
Tant qu’il n’y aura pas de véritables pressions sur la Turquie, venant de l’Occident et de l’Europe, la situation ne changera pas. Pour reprendre les négociations, il faut que cette inaction des institutions et des états européens change, qu’on exige de la Turquie qu’elle prenne en compte les règles démocratiques élémentaires. Malgré tout, les Kurdes résistent face à cette répression systématique et aux arrestations. Mais s’il n’y a pas de véritable pression de l’extérieur, le conflit armé va durer et Öcalan restera en détention, s’il est encore vivant …
Soutien à la veille kurde devant le Conseil de l’Europe ! Libérez Abdullah Öcalan !
CL
* Les Loups gris https://fr.wikipedia.org/wiki/Loups_gris
Les Loups gris (Bozkurtlar en turc), officiellement connus sous l’appellation « Foyers idéalistes » (Ülkü Ocakları en turc), est une organisation armée ultranationaliste turque11. Le mouvement est décrit comme néo-fasciste , anti-communiste , anti-grec, anti-alevi, anti-kurdes , anti-arméniens , homophobe, antisémite et antichrétien.
1) Livret « La liberté l’emportera » une courte biographie politique - L’initiative internationale - livret donné par la veille kurde devant le Conseil de l’Europe, parmi d’autres documents en accès libre
2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Abdullah_%C3%96calan
* Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, « Turquie - Q&R - Extrait du point de presse », sur Diplomatie.gouv.fr (consulté le 13 janvier 2024).
3) https://www.humanite.fr/monde/kurdes/turquie-depuis-presque-trois-ans-nous-navons-aucune-nouvelle-alerte-lavocat-du-leader-kurde-emprisonne-abdullah-ocalan
4) https://kurdistan-au-feminin.fr/2024/06/03/attaque-des-loups-gris-contre-la-veille-permanente-du-cdk-f-a-strasbourg/



