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A propos des déclarations du Ministre de l’Intérieur sur l’action des associations de défense des droits humains, et plus particulièrement sur celle de la Ligue des droits de l’homme, une lettre du président de la CNCDH

dimanche 9 avril 2023


A Madame Elisabeth Borne
Première ministre
Hôtel de Matignon
57 rue de Varenne - 75700 Paris SP 07

LE PRESIDENT
Paris, le 7 avril 2023

Madame la Première ministre,
Les déclarations du Ministre de l’Intérieur sur l’action des associations de défense des droits humains, et plus particulièrement sur celle de la Ligue des droits de l’homme, ont profondément choqué, et au premier chef la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dont la LDH est un des membres.

Compte tenu de son caractère pluraliste, la CNCDH se doit de défendre ses membres, comme la LDH, sans reprendre nécessairement les positions qu’ils manifestent.

La CNCDH a en effet déjà largement documenté le caractère structurel des violences policières illégitimes. Elle a ainsi montré que, loin d’être des actes isolés, commis par des individus,avec leurs faiblesses, leurs passions, leurs imprudences, il s’agit de phénomènes institutionnels qu’il faut impérativement traiter comme tels pour restaurer la confiance entre la population et sa police. La quasi-impunité dans laquelle opèrent les forces de l’ordre lorsqu’elles commettent des exactions en est l’un des aspects les plus concrets.

La Commission observe également une tendance devenue systématique dans la rhétorique du Ministre de l’Intérieur à dénigrer les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile, et à menacer de toucher à leurs subventions. Le Ministre les présente comme des agitateurs, des délinquants, voire des terroristes. Ce discours, qui n’est pas sans rappeler celui largement utilisé par les autocraties à l’égard des défenseurs des droits de l’Homme, conduit à une dangereuse remise en cause de l’utilité et de la valeur des actions de ces personnes engagées dans la défense des droits humains.

Ce risque est d’autant plus grand que les associations de défense des droits de l’Homme, comme les citoyens ordinaires, font le constat de nombreuses difficultés dans l’exercice des libertés fondamentales : liberté de manifestation, liberté d’expression, liberté d’information, liberté d’association, droit à la sûreté face à des arrestations sommaires voire arbitraires, et droit au respect de l’intégrité physique face aux violences policières illégitimes.

Dans ce contexte, le comportement des autorités est très inquiétant et les propos du Ministre de l’Intérieur le sont plus encore. C’est pourquoi la Commission nationale consultative des droits de l’homme que j’ai l’honneur de présider, vous serait reconnaissante de bien vouloir clarifier la position de votre gouvernement au regard de l’action des associations de défense des droits humains.

Je vous prie de bien vouloir recevoir, Madame la Première ministre, l’assurance de ma très haute considération.

Jean-Marie BURGUBURU

La lettre avec la signature :