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Compte-rendu de la conférence-débat du 12 avril au CSC de la Meinau Mieux connaitre les Manouches, Gitans, Roms, Yéniches et autres personne itinérantes de la Meinau et d’ailleurs

dimanche 14 avril 2024

Cette activité, à l’initiative du comité de Strasbourg du MRAP clôturait une semaine durant laquelle était visible au Centre Socio-Culturel de la Meinau l’exposition nationale du MRAP « Voyageuses, Voyageurs que veulent-ils ? »

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Une représentante du CSC de la Meinau a souhaité la bienvenue aux 50 personnes présentes, a remercié le comité du MRAP pour avoir financé le buffet dont le bénéfice contribuera au projet de voyage de femmes du CSC qui l’ont préparé.

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Georges Federmann, président du comité du MRAP a remercié l’ANCT (Agence Nationale pour la Cohésion des Territoires) et Strasbourg Eurométropole qui nous aident à financer cette activité.

Il a évoqué le mauvais sort réservé aux Roms et aux gens du voyage de manière quasi systématique comme si la liberté de circuler qu’ils incarnaient pouvait constituer une menace symbolique sur l’Ordre des Etats-Nations ou des empires. Comme si l’impératif de contrôler les populations était remis en question par l’existence des gens du voyage. Il a cité quelques dates clefs comme la commémoration du génocide des Tsiganes fixée par le Conseil de l’Europe au 2 août. Pour se souvenir de la nuit du 2 au 3 août 1944 : La nation rom commémore cette tragédie le 2 août, date à laquelle, en 1944, plus de 3 000 Roms ont été exterminés dans la chambre à gaz V du « Zigeunerlager B III » à Auschwitz-Birkenau.1 A ce moment-là Mengele fait exécuter « ses » 1 500 paires de jumeaux tsiganes …pour « faire de la place » aux Juifs hongrois dont 80 % vont être exécutés en 1944. Le sort de Juifs et des Tsiganes est indéfectiblement mêlé par la barbarie nazie mais il reste toujours difficile, en Israël de « les comparer », du fait de la dimension symbolique et idéologique constituée par « le primat du judéocide ». A ce sujet, quand Katy Katz et Michel Warschawski2 ont cherché des soutiens au sein de la communauté juive locale pour accueillir en juillet 2000 les 52 Roms de Zamoly3, ils n’y ont trouvé personne. Georges Federmann et des amis les ont donc accompagnés jusqu’à l’obtention de l’asile à un moment crucial où la Hongrie demandait son entrée dans l’UE.
Il n’a pas eu le temps d’évoquer les travaux contemporains de Théophile Leroy, enseignant à sciences-po Strasbourg4 sur la persécution des communautés Sintis dont certains (Famille Gerst) ont été arrêtés à Strasbourg, Faubourg de Saverne, où ils avaient trouvé refuge.

Il a évoqué enfin les victimes Roms du Struthof auxquelles le Cercle Taffel rend hommage chaque 1er décembre et chaque dernier dimanche d’avril : « Sur la plaque dévoilée dimanche 26 avril 2015 par M. Hollande, on peut lire : « Dans cette chambre à gaz, entre juin 43 et août 44, 40 déportés du camp de concentration de Natzweiler-Struthof furent soumis par un médecin nazi à des expérimentations sur un gaz de combat [1]. Il s’agissait de Roms, de détenus de droit commun et d’un déporté homosexuel. Quatre victimes, toutes Roms, décédèrent des suites de ces expériences. Adalbert Eckstein, Andreas Hodosy, Zirko Rebstock, Josef Reinhardt »
Des Tsiganes hongrois ont été déportés au camp de Natzweiler. Les Tsiganes dans l’Europe occupée : entre persécutions et génocide « Sinti und Roma im KZ Natzweiler-Struthof. Anregungen für einen Gedenkstättenbesuch“ von Anita Awosusi und Andreas Pflock »
1 https://www.coe.int/fr/web/holocaust/-/council-of-europe-marks-the-anniversary-of-the-roma-genocide-in-the-second-world-war
2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Warschawski
3 https://www.lemonde.fr/archives/article/2002/02/19/il-faut-proteger-le-peuple-rom_4210527_1819218.html
4 https://www.sciencespo-strasbourg.fr/agenda/evenement/conference-genocide-et-persecutions-des-roms-et-sinti-le-cas-francais-en-perspective
5 https://www.cercleshoah.org/spip.php?article216

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Marie Amalfitano, directrice durant 30 ans de LUPOVINO (Lutte pour une vie normale) après avoir milité à l’APPONA (Association pour la Promotion des Populations d’Origine Nomade d’Alsace) et Bertrand Routhier-Faivre, engagé dans l’APPONA du Haut-Rhin ont introduit le débat.

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Bertrand Routhier-Faivre nous a brillamment montré la diversité des « Voyageurs » (terme administratif actuel), les différents mots utilisés au cours de l’histoire.

Faute d’enregistrement il est difficile dans ce compte rendu de reprendre tel quel ce qu’il a dit. Aussi nous nous appuyons principalement sur le contenu de l’exposition du MRAP qui recoupe ses propres informations.

Différents mots, au cours de l’histoire, ont été utilisés en France pour désigner les Voyageurs, que ce soit dans leur ensemble ou certains groupes parmi eux. Certains renvoient à des identifications ethniques, les uns apparus dans les groupes concernés, les autres dans la population majoritaire de la région où ils vivaient. D’autres désignent des catégories administratives et renvoient aux statuts des personnes dans la société. D’autres encore, historiques, à des origines supposées. Certains renvoient aussi à des professions itinérantes. Le monde des Voyageurs est marqué par une grande diversité. Certains revendiquent une identité ethnique qui les rassemble, d’autre la rejettent ou la ressentent comme une assignation. Libre à chacun de reconnaître, totalement ou partiellement, une part de son identité dans ces groupes et la manière de les nommer.

ROMS ou RROMS : Ce mot, dérivé d’un mot sanscrit, est celui que les Roms utilisent en général pour se nommer eux-mêmes. En romani, il a aussi le sens de « homme, mari ». En France, ce nom est utilisé à propos de deux réalités :
• Comme nom générique pour désigner un ensemble de populations issues de la migration, au début du XIe siècle, d’un peuple du nord de l’Inde, que sa progression a amené sur le continent européen dès le XIVe siècle. Des Roms sont présents dans le monde entier et surtout en Europe de l’Est. Ils partagent une langue (le romani) et une culture, des traditions, qui se sont diversifiées au fil des contacts avec d’autres populations. En ce sens, les Manouches de France, les Gitans d’Espagne, comme les Kalderash de Roumanie, font, parmi d’autres, partie de l’ensemble des Roms.
• Comme nom désignant une partie de ces populations, qui vivent surtout à l’Est de l’Europe et, en France, plusieurs vagues de migrations venues de l’Est, depuis le XIXe s., et en particulier de Roumanie. D’autres vagues migratoires ont concerné des populations roms sédentaires (Russie, Yougoslavie,...) que la situation économique de leurs descendants ne distingue pas dans l’espace social. Un usage stigmatisant a restreint l’usage du terme à des migrants récents vivant dans des conditions précaires, qu’ils soient de culture rom ou pas.

ROMANICHELS : En langue romani, « rromani ćel » signifie « peuple rom ». Cette désignation utilisée au XIXe et au début du XXe s. a pris un sens très péjoratif.

BOHÉMIENS : Des groupes qui circulaient dans les régions de France disposaient de sauf-conduits établis par Sigismond Ier de Luxembourg, roi de Bohème (1387-1437), ce qui leur valut le nom de Bohémiens. Le nom désigne encore des vagabonds ou des personnes vivant de façon non conformiste (la vie de Bohème), souvent sans caractère péjoratif.
Mais la déclaration du 11 juillet 1682, voulue par Colbert et signée de Louis XIV, « contre les Bohèmes et ceux qui leur donnent retraite », demande aux baillis, sénéchaux et leurs lieutenants d’arrêter et de faire arrêter les hommes afin qu’on les conduise aux galères, à perpétuité, en dehors de tout délit constaté, tandis que les femmes, séparées des premiers, seront tondues et passibles d’être fustigées et bannies au cas où elles continueraient à « mener la vie de bohémiennes ».
https://laviedesidees.fr/La-France-contre-ses-Tsiganes

ÉGYPTIENS : Un groupe d’une trentaine de personnes à la tête duquel se trouvait un « comte de Petite-Égypte » se présenta à Arras en octobre 1421. La localisation de la « Petite Égypte » fait l’objet d’hypothèses diverses : une région portant ce nom en Grèce actuelle ? Une assimilation avec le nom d’une minorité présente dans les Balkans ? Un rappel d’un premier contact lors des Croisades, au Proche-Orient dominé par les Fatimides d’Égypte ? Ce qui est certain est qu’ils ne venaient pas des rives du Nil, même si des récits mythiques instaurent une relation entre Roms et Pharaons. Ce nom a été employé en France jusqu’au XIXe siècle, on le rencontre chez Molière et Victor Hugo.

NOMADES : Le recensement des « Nomades » du 20 mars 1895 s’applique à des individus qui, « quelle que soit leur nationalité, circulent en France sans domicile fixe et ne sont ni commerçants ambulants, ni forains, même s’ils ont des ressources et prétendent exercer une profession ». En 1912 la loi du 16 juillet oblige dans la République française tout « Nomade » de plus de 13 ans, quelle que soit sa nationalité, à faire viser un carnet anthropométrique à l’arrivée et au départ de chaque commune. Ces carnets sont remplacés en 1969 par des livrets de circulation à viser chaque année et des carnets à viser chaque trimestre. Déclarés en partie non constitutionnels en 2012 ils sont définitivement supprimés en 2017.

GENS DU VOYAGE : Après 1969, la loi définit le statut des « Gens du voyage » dans la continuité de celui des « Nomades ». L’expression s’applique à des groupes. Ce statut est supprimé en 2017, mais elle continue d’être utilisée pour désigner les personnes dont « l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles » qui ont accès aux aires d’accueil. A partir de 1969 les « Gens du voyage » devaient choisir une commune de rattachement pour s’inscrire, après 3 ans, sur une liste électorale qui ne pouvait compter que 3 % d’entre eux. Les voyageurs obtinrent que les 3 ans soient réduits à 6 mois, comme pour les personnes sans domicile fixe. Le quota de 3 % fut supprimé en 2017. L’absence de reconnaissance de la caravane comme « logement » est aujourd’hui encore la source de nombreuses discriminations : domiciliation, droit à l’aide au logement (APL) etc. La reconnaissance de la caravane comme logement est une priorité de la lutte contre les discriminations, pour faire reconnaître leurs droits de citoyens.

MANOUCHES : Ce nom désigne en France des groupes que l’on appelle aussi « Sinté » en Allemagne, Suisse, Autriche. Dérivé du sanscrit, le mot romani « manuś » désigne un être humain. De très nombreux Voyageurs en France se définissent comme « manouches ».

SINTI OU SINTÉ  : « Sinté » ou « Sinti », se voit proposer plusieurs étymologies : il viendrait de « Sindh » qui désignait l’Inde. Mais il évoque aussi la proximité avec un mot italien signifiant « ami ». « Sinté » ou « Sinti » renvoie en fait à deux groupes. L’un, au nord de l’Europe (Allemagne, Suisse, Autriche, et France) est reconnu sous ce nom comme minorité nationale en Suisse et parle un dialecte romani influencé par l’allemand et l’alsacien. En France, on préfère utiliser le nom de « Manouches ». L’autre groupe, qui a aussi traversé des régions germanophones, est présent dans plusieurs régions d’Italie. Des Sinti du Piémont ont émigré en France au XIXe s.

YÉNICHES : Ce nom désigne un groupe d’origine européenne présent surtout en Allemagne, en Suisse (où depuis 2016 ils constituent une minorité nationale reconnue aux côtés des Sinti), en France, au Luxembourg et en Belgique. C’est au XVIIe s. qu’ils auraient emprunté un mode de vie itinérant. Les Yéniches ont eux aussi subi les persécutions nazies en tant que nomades. La langue yéniche a fait des emprunts à l’allemand, à l’alsacien, au romani, et au yiddish. Comme les autres Voyageurs, les Yéniches se déplacent en groupes familiaux pour exercer diverses activités économiques, mais circulent de moins en moins.

GITANS  : ce mot peut avoir un sens générique équivalent à « Tsigane ». Par exemple, le dit « pélerinage des Gitans » aux Saintes-Marie-de-la-Mer rassemble des Voyageurs de toute la France. « Gitan » est parfois employé de façon péjorative. Comme « Gypsy » en anglais, il dérive de « Égyptien », passant par l’espagnol « Gitano ». À la présence ancienne des Gitans en France se sont ajoutées des migrations venues d’Espagne et d’Algérie. Comme ceux de la péninsule ibérique, les Gitans de France sont sédentaires et, parfois, groupés dans certains quartiers des villes, surtout au Sud de la France.

TSIGANES : En grec médiéval, le mot « athinganoi » (intouché), désignait une secte dont les adeptes refusaient d’être touchés. Elle avait disparu à l’arrivée de Roms dans l’empire byzantin mais le mot fut utilisé en Europe pour désigner des personnes appartenant à des groupes au mode de vie itinérant, ou à des minorités sédentaires. En Roumanie, « ţigan » fut longtemps synonyme d’« esclave » et a conservé, même après l’abolition, un caractère péjoratif ressenti dans toute l’Europe de l’Est qui explique qu’il soit souvent rejeté. En France, le mot a été utilisé surtout à partir du XIXe siècle, à propos de la musique, et il est parfois perçu comme positif. De nombreux Voyageurs l’ont adopté dans leurs interactions avec les gadgé, le présumant bien connu par eux. Si « Tzigane » est retenu par des artistes comme orientalisant, d’autres y entendent un écho du « Zigeuner » de la période nazie et préfèrent l’éviter. Dans la mesure où l’appellation « Tsigane » concerne surtout des personnes d’origine rom, en y associant de façon variable d’autres populations souvent itinérantes (Yéniches en particulier), le terme « antitsiganisme » est plus utilisé que « romaphobie » pour désigner le racisme envers des personnes perçues dans une altérité qui les désigne comme « tsiganes », quelle que soit leur origine réelle.

FORAINS  : Les forains représentent une partie des Voyageurs qui exercent leurs activités lors de marchés, fêtes foraines, ou autres manifestations. La loi de 1912 instituait trois types de carnets : pour les marchands ambulants, les forains et les nomades. Celui des forains fut remplacé en 1969 par un « livret spécial de circulation pour les personnes exerçant une activité ou profession ambulante ». La différence entre forains et autres Voyageurs est toute administrative et les familles passent d’une activité dite foraine à l’autre.

CIRCASSIENS : Les professionnels du cirque se donnent ce nom, même si aucune étymologie ne le justifie. Les nombreux cirques itinérants, familiaux, qui animaient la vie des villages de France sont maintenant moins nombreux, et rencontrent de plus en plus de difficultés pour s’installer.

GADJO, GADJI, GADJÉ : Vient d’un mot sanscrit qui signifiait « paysan » et désigne, en romani, toute personne qui n’est pas d’origine rom. L’usage de ce mot qui n’est en général pas péjoratif s’est étendu et n’est plus d’un usage strictement ethnique. En dehors des contextes du Voyage et du monde rom, notamment chez des rappeurs, gadjo et gadji sont employés par extension pour désigner un garçon ou une fille.

Le fichage dont ils ont fait l’objet en application de la loi du 16 juillet 1912.
Destiné à contrôler plus efficacement et de manière systématique leur déplacement, ce texte leur a imposé la possession, dès l’âge de 13 ans, d’un carnet anthropométrique d’identité à faire viser, lors de chaque nouvelle installation sur une commune, par un représentant de la force publique. Etat civil, empreintes digitales, données morphologiques sont quelques-unes des informations figurant sur ce sinistre document, réservé à l’origine à l’identification des criminels. Et ce jusqu’en 1969 !

A l’époque du Nazisme, environ 3 000 Tsiganes - vivant pour la plupart en France - furent regroupés dans près de 30 camps d’internements entre 1940 et 1946, par familles entières, vieillards et enfants dans des lieux insalubres. Les locaux étaient inhabitables : glacés en hiver, irrespirables en été, disposant rarement de l’eau courante, les conditions sanitaires étaient déplorables, la faim aggravait cette situation, pour ces populations qui ne recevaient aucune aide de l’extérieur. Parce qu’ils étaient considérés comme des « asociaux », entre 250 000 et 500 000 Tsiganes, sur les 700 000 qui vivaient en Europe, ont été exterminés pendant la seconde guerre mondiale par les nazis et leurs alliés. Environ 800 Tsiganes sont morts au camp de concentration du Struthof. Chaque année, le 2 août, est commémoré le Samudaripen, le génocide organisé par les nazis des Voyageuses et Voyageurs en Europe, une page de l’Histoire souvent méconnue du grand public.

Force est de constater que le royaume de France et la République française ont pratiqué ouvertement et officiellement une forme de racisme contre ces populations.
Comment s’étonner dès lors du racisme pratiqué aujourd’hui encore contre elles par des instances administratives et une grande partie de la population française ? Lutter contre cette forme de racisme passe par acquérir une réelle égalité des droits et par la reconnaissance des lois discriminatoires qui ont été promulguées, par la lutte contre les préjugés.

LES LOIS BESSON  : Louis Besson a été ministre du Logement de 1989 à 1991 puis Secrétaire d’État chargé du Logement de 1997 à 2001. La première loi dite « Besson » du 31 mai 1990 a marqué une étape dans la mise en œuvre du droit au logement. Son article 28 qui concernait les Gens du Voyage, introduisait deux nouvelles mesures dans le droit français :
• Un Schéma départemental prévoit les conditions d’accueil des gens du voyage, en ce qui concerne le passage et le séjour. Il inclut les conditions de scolarisation des enfants et celles d’exercice d’activités économiques.
• Toute commune de plus de 5000 habitants prévoit les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet. Dès la réalisation de l’aire d’accueil, le maire ou les maires des communes groupées pour la réaliser pourront interdire le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal. Dix ans plus tard, à peine un quart des communes avaient respecté leurs obligations, et les aires construites l’avaient été dans des zones reléguées éloignées des centres villes et souvent peu propices au logement. Comme aucune sanction n’était prévue en cas de non-respect de la loi, un grand nombre d’élus locaux ne l’avaient pas respectée.

La loi révisée le 5 juillet 2000 (loi Besson 2) semble aller plus loin en faveur des Gens du Voyage, mais elle reprend l’interdiction du territoire : « Dès lors qu’une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l’article 2, son maire ou, à Paris, le Préfet de police peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d’accueil aménagées, le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles ». Elle introduit un pouvoir de substitution des préfets lorsqu’une collectivité ne remplit pas ses obligations, mais ils n’en font presque jamais l’usage.
L’intitulé même de la loi : « relative à l’accueil et à l’habitat des Gens du Voyage » contenait une ambiguïté qui est au centre des problèmes actuels. Elle prévoit différents types de terrains destinés à des pratiques différentes :
• des aires d’accueil, pour court ou long séjour. L’« accueil » est pris en compte dans un sens restrictif : celui des itinérants, des gens de passage. Les familles présentes depuis de longues années sur un territoire où elles sont ancrées ont été ignorées.
• des terrains de grand passage : les Schémas départementaux devaient en définir le nombre et la taille pour chaque département. La presse relate des incidents chaque été dans des régions où aucune collectivité ne veut s’engager. Les grands rassemblements sont organisés avec l’État, mais ils suscitent toujours de grandes craintes chez les riverains et des réactions médiatiques.
• des terrains familiaux qui permettent aux ménages de disposer d’un ancrage territorial sans pour autant renoncer au voyage une partie de l’année. Ceux-ci sont très peu réalisés.

La Commission nationale et les Commissions départementales consultatives des Gens du voyage (CNCGV et CDCGV) ont été créées par la loi Besson de 1990. La CNCGV est rattachée à la Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement (DIHAL) depuis 2010. Elle est composée, en sus de son président (Dominique Raimbourg, reconduit en 2021), de 32 membres : 8 élus, 8 représentants de l’État, 8 représentants des associations de Voyageurs nommés par le Premier ministre, et 8 personnalités qualifiées, dont 3 représentants les Voyageurs, nommées par le Premier ministre.
Dans les départements, les Schémas départementaux se sont mis en place lentement et les CDCGV laissent encore moins de place aux associations de Voyageurs. Leur fonctionnement varie suivant le bon vouloir des préfets.

Entre 2014 et 2017, les compétences en matière d’accueil et habitat des Voyageurs ont été transférées des communes aux Établissements publics de Coopération Intercommunaux (EPCI). Le manque d’aires d’accueil et surtout de terrains familiaux fait que ceux qui ont une place ne prennent pas le risque de l’abandonner sans être certains d’en trouver une autre. Des aires d’accueil conçues pour des passages de courte durée sont donc utilisées à l’année et il ne reste plus de places pour les itinérants qui se présentent dans la région. Des points de vue critiques dénoncent la ségrégation opérée par ces espaces clos et aussi la vocation des aires d’accueil à être un espace de contrôle social.

Les Voyageurs souhaitent faire entendre le besoin d’habitat adapté ou de terrains familiaux en location ou accession à la propriété.
De nombreuses études ont été réalisées par des associations membres de la FNASAT qui permettraient des installations variées et performantes. De nombreuses familles sont propriétaires d’un terrain où elles vivent une partie du temps. À d’autres périodes, elles se déplacent. Elles ne voyagent donc pas toute l’année. Pour les familles qui n’ont pas de possibilité de stationnement, les aires d’accueil publiques disponibles seulement pour de courtes périodes ne sont pas adaptées. Beaucoup de familles expriment le souhait de voir créés plus de terrains familiaux.

Aujourd’hui, le nombre de réalisations d’aires d’accueil de tous types est largement insuffisant. 72% des places prévues sont annoncées comme réalisées, avec de grandes disparités dans les départements. Les aires de grands passages n’ont été réalisées qu’à 50%, les terrains locatifs familiaux à 26%. 24 départements seulement ont réalisé leur schéma. W. Acker a comptabilisé 1 358 aires d’accueil et de grand passage.

Aujourd’hui, les Voyageuses, Voyageurs, rencontrent des difficultés à trouver des aires/terrains pour les accueillir avec voitures et caravanes. Quand il y en a, ces aires sont souvent dans des zones peu hospitalières, près de déchèteries, de voies ferrées, des autoroutes …
Les conditions de vie font que l’espérance de vie est inférieure d’environ 10 ans à celle de la population générale.

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Le débat a porté surtout sur les questions de scolarité. Ceux qui en 1912 étaient officiellement désignés comme « nomades » vendaient des produits ou des services puis s’en allaient ailleurs là où ils pouvaient être utiles. Le nomadisme est un mode de vie économique a affirmé Bertrand Routhier-Faivre.
Traditionnellement les fils apprenaient très tôt le métier du père.

Dans le monde actuel avec l’apparition massive des supermarchés et de leur accès en voitures, les populations ont de moins en moins recours à ceux qui exerçaient de père en fils ces métiers traditionnels. Les personnes itinérantes ont donc essayé d’être à la pointe par leurs outils, la recherche de la clientèle, le travail bien fini etc. diversifié leurs propositions à une nouvelle clientèle dans le bâtiment, l’entretien, les espaces verts, l’agriculture, l’industrie. D’où à présent pour les enfants une plus grande importance accordée à l’école. La scolarité n’est pas sans poser problème pour les enfants, notamment quand les parents sont itinérants, difficile d’avoir un apprentissage régulier et suivi. Et les a priori ont la vie dure.

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Un grand merci aussi pour l’accueil reçu au CSC de la Meinau et une pensée particulière pour les mamans qui nous avaient préparé un superbe buffet autour duquel nous avons pu échanger de manière informelle.
Nous sommes repartis de cette conférence-débat un peu moins étrangers à ce mode de vie qui reste aujourd’hui encore difficilement compris et accepté, ...

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CL, GF et AZ