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Compte rendu de la rencontre-débat autour de 5 idées reçues sur les Gens du voyage au Neuhof le 5 juin

vendredi 7 juin 2024

Dans le cadre du programme scientifique "l’université en campagne contre les idées reçues ", ce 5 juin a eu lieu avec l’association Lupovino (Lutte pour une vie normale) une rencontre-débat autour de cinq idées reçues avec Claire Cossée, enseignante-chercheuse en sociologie à l’Université Paris-Est et Samuel Délépine, enseignant-chercheur en géographie sociale à l’Université d’Angers.

La rencontre a eu lieu dans l’Espace Ziegel faisant partie du Centre Social et Culturel du Neuhof (CSCN) et a permis de regrouper environ 50 personnes venues à l’appel de Lupovino (des habitants du quartier, des professionnels et des élus de la Ville et de la Collectivité européenne d’Alsace, y compris du Haut-Rhin, quelques personnes du comité du MRAP).

Derrière les conférenciers à la demande de Lupovino et du représentant de l’Université de Strasbourg avait été placée l’exposition* du MRAP « Voyageuses, voyageurs, que veulent-ils ? » qui avait été appréciée lors d’autres activités à Strasbourg.

Cette rencontre a permis de brefs exposés sur chacune des idées reçues et un débat suite à chacun d’eux inciitant à la réflexion.
Il est difficile d’en rendre totalement compte et même de résumer la soirée mais voici quelques constatations que nous avons relevées au sujet de chacune de de ces cinq idées reçues au programme.
Samuel Délépine a dit d’emblée qu’il ne parlait pas au nom des Gens du voyage mais en tant que géographe social qui avait été amené en tant qu’étudiant à faire une thèse sur les Roms de Roumanie dont il a découvert 70 groupes différents, même s’ils ont des cultures qui par certains aspects se ressemblent.

« Gens du voyage, Roms, Manouches, Gitans, tous pareils »

Ce qui unit les Roms, Manouches, Gitans, Gens du voyage (dénomination administrative propre à la France) c’est surtout qu’ils font face à des préjugés semblables et au rejet, l’antistiganisme.

Une femme a témoigné qu’elle avait appris récemment qu’elle était Sintie par sa grand’mère quand son grand-père est mort. Dans cette famille il fallait être discret pour ne pas attirer l’attention avant 1939 et surtout pendant la guerre lors de laquelle les « Zigeuner » furent massivement déportés dans des camps de concentration où beaucoup sont morts.

Le processus consistant à catégoriser les populations en oubliant les aspects qui n’entrent pas dans cette catégorisation, des lois discriminatoires comme celle de 1912 ont facilité le développement de l’antistiganisme. Cette catégorisation continue, bien que les lois discriminatoires aient été abrogées récemment. Les Gens du voyage ont été regroupés aux mêmes endroits comme au Polygone à Strasbourg, ce qui n’est pas normal. Les discriminations dans le domaine de l’emploi qui touchent les populations de certains quartiers comme le Neuhof sont encore pires vis-à-vis de ces personnes.

« Les Gens du voyage sont tous nomades »

Le fait de circuler, alors que la plupart des habitants sont sédentaires, intrigue. La moitié d’entre des Gens du voyage sont sédentaires, mais se réclament « du voyage ». Des activités religieuses comme des pèlerinages les amènent à se déplacer. Certains ont un mode de vie itinérant non pas pour des raisons culturelles mais parce qu’ils sont virés de partout.
« Ils ont de grosses caravanes et de grosses voitures alors qu’ils ne travaillent pas »
On ne tient pas ce genre de propos pour les autres populations. De plus le « Bohémien » est supposé être pauvre ; tant qu’il reste dans cette situation, ça passe mais s’il sort de cette pauvreté cela est perçu comme anormal. Ringo, un Manouche du quartier, explique que « des Gadjé nous dénient le droit de monter dans la hiérarchie sociale ». Il y a beaucoup de jalousie, rajoute-t-il. Or l’achat d’une caravane ne se fait pas à crédit avec des taux d’intérêts propres aux appartements et aux maisons mais avec des « crédits à la consommation » dont les taux sont beaucoup plus élevés. Il faudrait enfin reconnaitre l’habitat mobile.
« Les gens du voyage ne veulent pas s’intégrer »
Il y a des situations où par l’école, les élèves et les parents, par les associations et par d’autres moyens les relations entre Voyageurs et Gadjé sont normales. C’est une erreur de croire que les Gens du voyage ne veulent pas que leurs enfants aillent à l’école. Quand il y a une phobie de l’école, il est oublié qu’elle existe aussi au sein d’autres populations. Souvent ils peuvent se dire Strasbourgeois, Alsaciens, Français et rajoutent parfois Manouches.
Trop souvent on entend des expressions comme « eux » et « nous ». Les sédentaires leur reprochent de ne pas être dans la norme. Et quand ils le sont, ils leur … reprochent aussi !

« Ces gens-là ont tous les droits »

Ils sont l’objet de discriminations et ce depuis fort longtemps et réclament à juste titre que leurs droits de citoyens soient respectés. Pourtant des élu.e.s continuent de ne pas les considérer comme des habitants du territoire, alors que parfois ils y vivent depuis plus longtemps que les sédentaires »

La soirée s’est terminée dans la cour de l’Espace Ziegel par un buffet préparé par des femmes du quartier. Ce qui a permis des échanges plus personnalisés et de continuer le débat.

* Cette exposition dans sa version techniquement améliorée a été payée par la Collectivité européenne d’Alsace.

Photos de AA et compte rendu de AZ, membres du comité du MRAP