Il est difficile d’en rendre brièvement compte.
La vidéo diffusée par « La feuille de chou » dure presqu’une heure
https://www.youtube.com/watch?v=-qlX6QG9XoE
Le débat près de 50 min
Aussi les points abordés ci-dessous sont-ils en partie des résumés d’extraits de sa conférence ou des extraits de son livre qu’il était venu présenter « Racismes d’Etat, Etats racistes. Une brève histoire »
Après des prises de paroles de 3 min de quelques associations (le comité de Strasbourg du MRAP, le collectif judéo arabe et citoyen pour la Palestine, l’UJFP, le collectif d’ailleurs nous sommes d’ici), Olivier Le Cour Grandmaison a commencé sa conférence.
Il a salué le fait que des organisations se sont unies pour organiser cette conférence-débat car dit-il, vu la situation, le culte sans fin des petites différences les renforce et nous affaiblit.
Il explique que des partis politiques dans l’opposition ou au gouvernement ont repris depuis très longtemps la rhétorique, les thèmes directement empruntés à l’extrême droite française entre autres. Cela de façon très concrète. Il y a une extrême droitisation de ces partis, ce qui rend le combat beaucoup plus difficile et vaste que dans les années 1980. Par exemple après l’annonce du projet gouvernemental de revenir sur le droit du sol à Mayotte inscrit dans la loi depuis 1889, le président du sénat, second personnage de l’Etat, veut aussi le remettre en cause y compris dans « la métropole » !
Ces partis nient les discriminations systémiques liées aux origines. Pour eux les concepts de « racisme systémique » et de « racisme d’Etat » viendraient de militants afro-américains d’extrême gauche radicaux aux Etats Unis où la situation serait tout à fait différente.
Or dès 1976 au Collège de France, Michel Foucault dans ses cours parle du racisme d’Etat destiné à préserver l’intégrité et la supériorité raciale de la population sur laquelle les autorités publiques exercent leur puissance souveraine, et des guerres de races notamment menées dans les colonies soumises à des violences extrêmes. Contrairement à ce qu’ont fait il y a quelques années Jean-Michel Blanquer ministre de l’Education nationale et la ministre des Universités, aucun responsable politique de l’époque ne s’est élevé contre le philosophe et le contenu de ses enseignements, ni la secrétaire d’Etat aux Universités, Alice Saunier Seïté, ni le très puissant ministre de l’Intérieur, Michel Poniatowski, pourtant peu suspect de laxisme.
Au XIXe siècle, le premier racisme d’Etat fut celui de l’Etat colonial.
En novembre 2005, alors que se poursuivent les « émeutes » ayant éclaté dans plusieurs quartier de la région parisienne où vivent de nombreux habitants racisés, étrangers et français, Achille Mbembe cherche à penser les différents processus qui ont conduit à l’altérisation de ces populations ghettoïsées auxquelles des dispositions d’exception héritées de la période coloniale-celles inscrites dans la loi sur l’état d’urgence du 3 avril 1955 - sont appliquées dans l’hexagone par le 1er Ministre, Dominique de Villepin.
Quant aux législations anti-Roms, celle matricielle du 16 juillet 1912 réformée par celle du 3 janvier 1969, l’une et l’autre concernant aussi les « nomades » français, elles ont été les causes de discriminations multiples qui, sous différentes formes, ont perduré jusqu’à celle du 17 janvier 2017. La loi de 1912 avait imposé une carte d’identité, un carnet anthropométrique aux « nomades », y compris à ceux qui n’ont pas commis de crimes, alors que les autres Français n’avaient pas de carte d’identité (introduite à l’époque de Vichy). Une plaque d’immatriculation particulière permet de reconnaitre de loin qu’il s’agit de « nomades ». Le Front populaire n’a pas touché à cette loi. (Il n’a pas non plus donné le droit de vote aux femmes, n’a pas changé le statut des indigènes). Cette loi est maintenue après 1945. Les villes peuvent refuser ces « nomades » s’ils dépassent un certain seuil. 10 mai 1981 avec Mitterrand comme président de la République, rien ne change. De même avec François Hollande. Il a fallu attendre 2017 pour que soit abrogée la loi de 1912, tardive abrogation de dispositions iniques qui ne saurait occulter la poursuite à l’encontre des Roms, de politiques municipales et nationales d’une rare violence par leur condition de parias et soutenues par un consensus aussi ancien que puissant de l’extrême droite jusqu’à certaines forces qui se disent de gauche. Il s’agit de romanophobie d’Etat, de racisme d’Etat qui s’applique y compris à des enfants.
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Voyageuses, voyageurs que veulent-ils ? 1er panneau d’une exposition du MRAP
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Pierre Bourdieu entre 1995 et 1997 a consacré plusieurs textes aux orientations publiques, aux dispositions juridiques et aux pratiques policières mises en œuvre contre les Africains, les Maghrébin.e.s et les Français des minorités visibles. Il analyse la politique des autorités. Celle-là même qui, le 23 août 1996, après avoir durci les conditions d’entrée et de séjour des immigré.e.s venu.e.s du Sud, font appel aux forces de l’ordre pour expulser les « sans-papiers » qui se sont organisés et rassemblés en l’église Saint-Bernard à Paris afin d’obtenir la régularisation de leur situation. Le sociologue dit qu’il faut en revenir à la source de ce type de répression et conclut en disant que c’est l’expression d’une « xénophobie d’Etat ».
Plus récemment l’Etat français, a été définitivement condamné par la Cour de cassation le 9 novembre 2016, puis une nouvelle fois par la Cour d’appel de Paris le 8 juin 2021 pour « faute lourde » en raison de contrôles au faciès réalisés par des policiers. Objectivement l’Etat français doit être considéré en situation de récidive. L’Etat prétendument Etat de droit s’émancipe de ses dispositions législatives et des principes qui sont supposés être les siens, ceux de la République. Là aussi nous pouvons parler de racisme d’Etat dans la mesure où l’Etat ne remédie pas à ce type de situation.
Les réfugiés ukrainiens qui sont des Européens ont été les seuls à profiter de dispositions de l’Union européenne et de « la protection temporaire » mise en place depuis 2001 en cas d’arrivées massives d’exilés consécutivement à des guerres civiles ou étrangères. Les autres réfugiés, notamment ceux venus du Sud suite à des guerres n’en profitent pas et sont au contraire victimes de davantage d’inhospitalité avec cette nième loi dite « Asile-Immigration ». Cette nouvelle loi restreint considérablement les possibilités d’asile pour ces personnes.
Or nous ne sommes pas aujourd’hui face à une xénophobie d’Etat mais à un racisme d’Etat sur une base éthnoraciale, culturelle et religieuse.
Ce racisme d’Etat n’est pas à confondre avec un Etat raciste comme celui des Etats Unis avec l’extermination des Amérindiens et la pratique de l’esclavage … jusqu’à l’abolition des lois de ségrégation raciale en 1976, ou comme le système d’apartheid en Afrique du sud. Ceux qui ne veulent pas entendre parler de racisme d’Etat, disent souvent que la France n’est pas un Etat raciste, assimilant Etat raciste et racisme d’Etat pour discréditer ceux qui parlent de racisme d’Etat.
La guerre menée par Israël, notamment contre la population de Gaza, est typique des guerres coloniales. Pas de distinction faite entre militaires et civils, pas de sanctuaires autant que faire se peut pour les civils (hôpitaux, marchés, lieux de cultes, écoles, établissements mis en place par des ONG chargés d’assurer la nourriture des populations civiles). Les morts civils ne sont pas des accidents mais la conséquence logique de ce refus de distinction entre militaires et civils. Ce type de guerre coloniale a été employé par la France lors de la conquête de l’Algérie à partir de 1848 et entre 1954 et 1962, ainsi qu’au Cameroun. La bataille d’Alger sert de modèle à la guerre menée dans les villes par l’armée israélienne.
Pour faire de l’Algérie une colonie de peuplement il fallait refouler les Arabes. C’est ce que subissent aujourd’hui les Palestiniens.
Une situation d’apartheid leur est imposée, d’après la définition qu’en donne la convention sur les crimes d’apartheid de 1973. Après beaucoup d’autres ONG et personnalités, l’ancien ambassadeur d’Israël à Paris, Elie Barnavi, a admis qu’il y a un apartheid. « Dans la Cisjordanie occupée, rebaptisée à l’ancienne « Judée-Samarie », où coexistent deux populations inégales de fait et de droit, un système d’apartheid s’est effectivement mis en place – apartheid non pas racial mais ethno-juridique, mais apartheid quand même » (Élie Barnavi : « L’antisionisme est particulariste et monomaniaque » - LEDDV.FR - Revue universaliste). Un ancien ministre de l’agriculture, voyant la politique discriminatoire menée par l’Etat d’Israël au niveau de la répartition de l’eau, a parlé d’apartheid. Hubert Vedrine aussi avec quatre anciens ministres des affaires étrangères (L’appel de cinq anciens ministres des affaires étrangères : « Il faut reconnaître que les politiques et pratiques d’Israël à l’encontre des Palestiniens équivalent au crime d’apartheid » (lemonde.fr)
La guerre contre la population de Gaza est devenue guerre génocidaire contre le peuple palestiniens.
En plus du gouvernement allemand qui soutient totalement Israël, la politique française se caractérise aussi par la répression vis-à-vis des manifestants qui défendent les droits des Palestiniens et dénonce le génocide en cours à Gaza.
Dans le livre d’Olivier Le Cour Grandmaison beaucoup de questions sont traitées concernant la France et l’Union européenne.
Quelques aspects :
Pour de nombreux partis, de chroniqueurs et d’idéologues, la diffusion des concepts de « racisme systémique » et de « racisme d’Etat » témoignerait de la volonté de nuire aux institutions républicaines et à la France aux glorieuses traditions universalistes. Ceux qui les nient dénoncent le « communautarisme » prétendu des minorités visibles et plus grave les accusent de « séparatisme » désormais sanctionné par la loi. Ils font croire que des menaces majeures pèsent sur l’unité nationale. Il s’agit d’empêcher que surgissent et soient diffusées certaines idées, qu’il y ait des débats politiques et des controverses constitutives de recherches menées dans les universités et de nombreuses institutions. S’établit une sorte de police de la pensée et du vocabulaire qui peut même se traduire par la saisie de la Justice. Le but est de réduire au silence les auteur.e.s d’analyse et de propositions jugées hétérodoxes. C’est la nouvelle forme de censure contemporaine qui évite de recourir à une censure grossière susceptible d’être dénoncée.
Or les discriminations systémiques, la xénophobie institutionnelle, le racisme d’Etat, engendrées par des politiques publiques ou favorisés par l’absence de prise en compte de leur gravité par les autorités et par nombre de formations progressistes sont mis en évidence et analysés.
Si l’Etat en France lors de la 3ème République était un Etat raciste, aujourd’hui c’est un racisme d’Etat qui est mis en œuvre.
Si après les élections de 2027 l’extrême droite accède à la présidence de la République et dirige le gouvernement, elle n’aura pas besoin de changer la Constitution. Elle pourra rajouter des lois, des décrets et les justifier par ce qui aura été fait précédemment.
Au niveau de l’Union européenne :
Le néolibéralisme économique prend des aspects de plus en plus autoritaires.
Des régimes illibéraux se sont installés dans quelques pays comme la Hongrie (ndlr : Les dirigeants sont démocratiquement élus mais ils privent leurs citoyens de leurs droits fondamentaux. Ils contestent l’indépendance de la justice, veulent se soustraire à la remise en cause de leur pouvoir – et affaiblissent d’ailleurs tous les contre-pouvoirs –, réduisent les libertés universitaires et de la presse).
L’Union européenne a définitivement adopté le 14 mai 2024 « le pacte sur la migration et l’asile ». La présidente de l’Union européenne est allée avec Madame Méloni en Tunisie discuter avec le président tunisien (qui mène une politique négrophobe) pour empêcher les Subsahariens de passer en Europe, moyennant finances, aide matérielle et humaine. De même pour que l’Egypte … fassent le même travail. Cela s’ajoute à d’autres accords conclus comme avec l’Etat turc.
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A la fin de la conclusion de son livre (pages 229 et 230) Olivier Le Cour Grandmaison écrit « Une telle conjoncture exigerait que les clercs se fassent « avertisseurs d’incendie ». Beaucoup le font mais ils ont infiniment moins nombreux et surtout moins influents que les clercs-pyromanes, dont la notoriété est en partie indexée sur leurs capacités à alimenter d’incessantes polémiques. Elles sont aussi le pain quotidien de chroniqueurs divers et d’idéologues cathodiques qui au service de puissants financiers et capitaines d’industrie engagés pour « la défense de la civilisation française » confondent journalisme et propagandisme, et jouissent d’audiences importantes grâce au cynisme et à la vulgarité intellectuelle sublimés en audace… »
Nous assistons à une extrême droitisation des partis de gouvernement qui ouvre les portes aux idées d’extrême droite et à l’extrême droite elle-même.
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Photos de quelques autres panneaux des expositions du MRAP installés dans la salle
Pourquoi faut-il en France un musée de l’histoire du colonialisme ?
Les héroïnes de la lutte contre l’esclavage et le colonialisme
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