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Donald Trump complice d’une catastrophe pour les chrétiens

mercredi 13 mai 2020

Deux personnalités chrétiennes de Palestine ont écrit cet article traduit en français par Sabeel France. La politique d’annexion de la Cisjordanie attisée par le « plan de paix » de l’administration Trump peut bien convenir à des évangéliques radicaux, mais elle porte un coup mortel à l’avenir de la chrétienté en Terre Sainte. par Munther Isaac et Jamal Khader - Haaretz, le 6 mai 2020.


Alors que le monde entier est occupé à se battre contre la COVID-19, les partis politiques israéliens se sont mis d’accord pour un gouvernement de coalition. Benjamin Netanyahou a réussi à mettre sur la table l’annexion de territoires palestiniens occupés et à en fixer un échéancier provisoire : dans moins de 2 mois. Il peut remercier le plan Trump de lui permettre de mettre en œuvre l’annexion avec autant de force et de rapidité.

On a trouvé de nombreuses raisons expliquant pourquoi la « vision » qu’a Trump du Moyen-Orient ne satisfait pas même aux exigences les plus élémentaires d’une paix juste et durable. Rares cependant sont les commentateurs qui ont analysé la façon dont le plan Trump traite plus particulièrement l’avenir des chrétiens palestiniens, et celle dont les projets israéliens d’annexion affecteraient la vie des chrétiens en Palestine.

Soyons clairs : la mise en place du plan Trump aura des conséquences catastrophiques sur la possibilité d’une solution politique entre Palestiniens et Israéliens, et particulièrement sur le respect des droits du peuple palestinien, dont aussi des Palestiniens chrétiens.

Les principes de base du plan américain sont en contradiction avec la position officielle des chefs des Églises de Jérusalem. En réponse à la publication du plan, les représentants des Églises chrétiennes, dont le siège est ici en Terre Sainte et non à Washington, ont affirmé « [leur] ferme volonté de parvenir à une paix juste et globale au Proche-Orient, fondée sur la légitimité internationale et les résolutions pertinentes des Nations unies, et de manière à garantir la sécurité, la paix, la liberté et la dignité à tous les peuples de la région. »

En dépit des intérêts partisans de politique intérieure qu’ont M. Trump et M. Netanyahou pour présenter la situation en Israël et en Palestine comme un conflit religieux entre tradition judéo-chrétienne et islam, ce n’est pas du tout la réalité que nous vivons en tant que chrétiens palestiniens.

En dépit de références à l’importance de la Terre Sainte pour les chrétiens du monde entier, les chrétiens palestiniens ont à peine été pris en compte par les auteurs du plan et n’apparaissent pratiquement pas dans le document. Les rédacteurs du plan Trump semblent idéologiquement troublés par le fait que les chrétiens palestiniens sont un élément inséparable du peuple de Palestine.

Pour ce qui est de Jérusalem, ce plan ne considère que l’hégémonie israélienne et ne mentionne les pèlerinages musulmans que pour mémoire. Quant aux Palestiniens chrétiens, il n’en est pas question, ils n’existent pas. Dans un vocabulaire passablement condescendant, les auteurs du plan prévoient que les musulmans qui « se conduisent bien » pourront visiter Jérusalem, mais ne font aucune mention de chrétiens palestiniens, comme si ceux-ci n’avaient aucun rapport avec Jérusalem.
Ce plan transforme la Terre Sainte en « parc d’attraction sioniste », pour la plus grande joie de chrétiens évangéliques extrémistes et de juifs, alors que la population chrétienne locale reste soumise à la coercition israélienne. En fait, ce plan perpétue une séparation artificielle et cruelle entre deux villes où se trouvent les lieux saints chrétiens les plus importants : Bethléem et Jérusalem.

Un examen précis de la cartographie de ce plan montre qu’aucun espace n’est attribué à Bethléem pour son développement naturel. Il donne en revanche le feu vert à Israël pour l’annexion d’anciens sites chrétiens et d’autres lieux vitaux pour les chrétiens palestiniens, tels que le monastère de Crémisan ou la vallée de Makhrour. Beaucoup de chrétiens palestiniens et de membres de nos Églises vont perdre la terre sur laquelle ils vivent et qu’ils cultivent depuis des générations. C’est un coup mortel qui sera porté à une présence chrétienne dynamique dans le lieu-même de la naissance de Jésus.

Un autre aspect important est la mainmise d’Israël sur la gestion de l’état civil de la population palestinienne. À cause de la politique suivie par Israël, des milliers de chrétiens palestiniens ne sont pas autorisés à rentrer chez eux. Il y a d’ores et déjà un nombre grandissant de familles qui sont douloureusement séparées entre Jérusalem et des villes qui n’en sont éloignées que de quelques kilomètres, comme Bethléem et Ramallah.

Nos Églises ne cessent de recevoir des appels à l’aide pour des demandes de regroupement familial, ou de la part de Palestiniens de la diaspora qui voudraient rendre visite à leur famille ou aller prier dans leurs lieux saints. Israël refuse régulièrement ce genre de demandes, en invoquant dans certains cas des « raisons de sécurité » qu’aucune démocratie digne de ce nom ne retiendrait.

Faire fi du droit international et des règles les plus élémentaires de la diplomatie n’est pas une solution « réaliste » pour ce conflit et ne saurait rendre la paix possible. Cela ne fait au contraire qu’alimenter les causes de l’oppression et du déni de droit en permettant que la Palestine, sa terre et son peuple, restent à perpétuité sous contrôle israélien.

Être agent de paix est une bénédiction de Dieu, pratiquer l’oppression est un péché. Mais de nombreux officiels américains font un mauvais usage de la Sainte Bible pour justifier une politique de colonisation et d’annexion des territoires occupés, ce qui constitue un crime au regard du droit international. Les gens du monde entier qui croient en la justice doivent se lever pour dire : « Cela suffit ! » et pour agir en conséquence.

Il y a suffisamment de place à Jérusalem pour en faire une ville ouverte, siège de deux capitales et respectant les liens étroits qu’entretiennent avec elle trois religions monothéistes. L’illusion qu’Abou Dis ou Kufr Aqab pourrait devenir la capitale de la Palestine exprime soit l’ignorance du rapport que nous avons avec la ville de Jérusalem, soit simplement un mépris profond pour les droits du peuple palestinien, chrétiens et musulmans confondus.

L’actuelle volonté d’Israël d’annexer, dans le cadre de la mise en œuvre du plan Trump, des secteurs de la Cisjordanie ne fera que consolider un statu quo qui est grandement préjudiciable à l’avenir de la chrétienté en Terre Sainte.

En tant que chrétiens, nous prions et appelons tous ceux qui ont à cœur l’égalité, la liberté et une paix juste et durable, à se rassembler pour honorer les droits inaliénables de chacun, et aussi du peuple palestinien.

Le père Jamal KHADER est Directeur des Écoles du Patriarcat Latin en Palestine et curé de la paroisse de la Sainte Famille à Ramallah. Il était auparavant Recteur du Séminaire du Patriarcat Latin et Doyen de la Faculté des Lettres de l’Université de Bethléem.
Le Révérend Munther ISAAC est Doyen académique du Collège Biblique de Bethléem et pasteur de la paroisse évangélique luthérienne « de Noël » à Bethléem et de la paroisse évangélique luthérienne de Beit-Sahour.

Traduction Yves Rey, Philippe Daumas, Ernest Reichert Diffusion Amis de Sabeel France