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En Israël en 1948 : Compte rendu de la projection-débat à Strasbourg du documentaire Tentura

lundi 28 novembre 2022

L’appel à cette projection-débat du 23 novembre a été lancé par le cinéma Star, l’AFPS, les sections locales de la LdH, de Culture Palestine, du MRAP.

Extraits du Press-book 2022 concernant le documentaire TENTURA

Synopsis

Le 14 mai 1948 à minuit, le mandat britannique sur la Palestine s’achève officiellement. L’indépendance de l’État d’Israël est proclamée et débute alors la « Première Guerre israélo-arabe ». Cinq pays arabes (L’Égypte, la Jordanie, la Syrie, l’Iraq, le Liban) et l’armée de libération arabe ont attaqué le nouvel État. La guerre durera plus d’une année et une fois terminée, le narratif officiel israélien explique la fuite de centaines de milliers de Palestiniens hors des frontières comme une conséquence des affrontements. Les Israéliens appellent ce chapitre de leur histoire la guerre d’indépendance. Les Palestiniens la dénomment "Al Nakba" (la Catastrophe).

À la fin des années 1990, Teddy Katz, doctorant en Histoire de l’université de Haïfa, a mené des recherches sur un massacre à grande échelle commis par l’armée israélienne dans le village de Tantura en mai 1948. La qualité de son travail fut reconnue par les autorités académiques.

La diffusion de ce mémoire dans les médias israéliens provoqua un tollé. Il fut attaqué en justice, condamné à se dédire et sa carrière universitaire en fut définitivement ruinée. Mais les preuves subsistent. Il reste plus de cent heures de témoignages audio enregistrés par les acteurs de l’époque.

Dans ce documentaire (Tentura), le réalisateur Alon Schwarz s’entretient avec d’anciens soldats israéliens de la brigade Alexandroni ainsi qu’avec des habitants palestiniens témoins de ce massacre.

Un travail de mémoire s’engage et qui cherche à savoir ce qui s’est passé à Tantura et de comprendre pourquoi la "Nakba" est un sujet tabou dans la société israélienne. Les anciens soldats, désormais âgés, se souviennent d’actes de guerre ”troublants”, tout en s’arrêtant de manière inquiétante sur des points dont ils ne se souviennent pas ou dont ils ne veulent pas parler.
Les enregistrements d’entretiens menés par Katz il y a 20 ans percent le silence de l’auto préservation et exposent la manière dont le pouvoir sculpte l’histoire officielle.

La pertinence de Tantura aujourd’hui

Le documentaire “Tantura” permet aujourd’hui de débattre du rôle des non-historiens dans l’élaboration des récits historiques. Il a vocation à interpeller les opinions publiques et à rebondir sur la voix des Palestiniens encore peu écoutée. Ce documentaire a suscité de nombreux débats en Israël et à l’étranger et apporte un éclairage singulier et salutaire sur la manière dont se forme la mémoire collective.
Pour Israël et les Israéliens, aborder la Nakba signifie reconnaître la violence d’Etat à l’encontre du peuple palestinien. Aussi difficile que cela puisse être, Israël devra finalement se réconcilier avec son sombre passé. Ce documentaire témoigne du déni de réalité de la société israélienne dans son ensemble (y compris de la part du monde académique) et de son incapacité à affronter son passé. Il invite ainsi le public au débat et met l’accent sur l’importance du travail de mémoire.
Le travail d’Alon Schwarz a été fortement plébiscité à l’étranger. Son film a déjà été projeté dans de nombreux festivals : Sundance Film Festival 2022, Hotdocs 2022 à Toronto, et enfin le DocAviv Film Festival 2022 où il a été récompensé dans la catégorie “Research Award”.
Le documentaire continue d’être programmé cette année dans d’autres festivals.

Quelques réflexions issues du débat avec Alon Schwarz au cinéma Star :


Merci aux étudiantes en communication qui ont réalisé ce court reportage vidéo pour l’association CulturedePalestine !

https://www.instagram.com/p/ClihKPXArmp/?next=%2F


Alon Schwarz, le scénariste, réalisateur et producteur du documentaire avec à ses côtés Jean-Jacques Grunspan, représentant de l’AFPS qui fait office de traducteur.

Le débat fut de qualité à l’image du documentaire.
Pour Alon Schwarz, celui-ci a d’abord été conçu pour toucher les Israéliens et il y est effectivement projeté depuis le début de 2022. Teddy Katz assiste à toutes les séances : c’est pour lui une reconnaissance de son travail universitaire et aussi une renaissance. Bien entendu ce documentaire a suscité de très nombreuses réactions dans le pays.

Un spectateur dans la salle a fait ensuite explicitement part que le documentaire l’a passablement bousculé et provoqué un cauchemar. Les éclats de rire quasi systématiques des meurtriers lors de leurs interviews l’ont particulièrement scandalisés ... Beaucoup d’entre eux y affirment en riant que les faits étaient connus de tous ces soldats. Mais qu’il ne fallait pas en parler, les oublier. D’après les archives accessibles il n’y a pas eu par écrit d’ordre officiel de tuer des Palestiniens sans armes, de terroriser les autres, mais pour tous les soldats il était clair que moins il y aura « d’Arabes », mieux ce sera pour Israël. Ils ont agi en conséquence.

Le succès aux élections de fanatiques religieux d’extrême droite, de suprémacistes racistes au pouvoir en Israël, de Kahane, Amir, de Ben Gvir inquiète Alon Schwarz. Il craint non seulement que les Palestiniens soient chassés de leur pays avec les méthodes employées en 1948 lors de la Nakba, mais encore que les Juifs israéliens qui osent critiquer la politique gouvernementale soient eux aussi fortement menacés et réprimés. Leur liberté d’expression est en grand danger.

Alon Schwarz est très pessimiste sur l’évolution actuelle des mentalités en Israël.
Les politiques des gouvernements israéliens ont bafoué dans le passé les résolutions de l’ONU les concernant directement.
Selon lui, une ligne rouge a été franchie après les dernières élections en Israël.

Il appelle les citoyens aux Etats Unis et en Europe à faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils arrêtent de soutenir les autorités israéliennes quelle que soit la politique menée. Il est pour deux Etats, Israël et l’Etat de Palestine (prévus dès 1947 par l’ONU sous la dénomination d’une Etat juif et d’un Etat arabe).

La politique israélienne qui sera de plus en plus critiquée dans le monde notamment au Moyen-Orient se retournera aussi en fin de compte contre les Juifs qui soutiennent une telle politique, y compris contre ceux qui vivent hors d’Israël en particulier au Moyen-Orient.

Les Etats qui dénoncent ceux qui ne respectent pas les droits humains en Russie, en Chine, en Iran … mais qui se taisent pour ce qui concerne le régime israélien et d’autres Etats « amis » se décrédibilisent sur la scène internationale aux yeux des peuples.