Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples

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L’exigence du silence par Georges Federmann

vendredi 14 décembre 2018

Chers amis,
En partage.
La charge contre les experts est sévère mais salutaire.
La journaliste n’a pas eu le temps de corriger " malveillant" en " pas bienveillant".
Affectueusement
G Y

Strasbourg Entretien

« L’exigencedu silence »
Georges Federmann.

Le psychiatre strasbourgeois Georges Federmann, 63 ans, a vu sa femme, Véronique Dutriez, abattue par un patient en 2005. Lui-même avait été gravement blessé.

  • Quelle est la « bonne » attitude à adopter vis-à-vis des victimes, blessées ou endeuillées ?

G.F. : Une victime d’attentat reste d’abord complètement interdite, déconnectée de la réalité. La première exigence, c’est le silence. Il faut respecter la réalité : on ne va pas ramener un mort à la vie. Dans mon livre Le Divan du monde (éditions Golias), je parle de « droit à l’oubli ». La pression médiatique ravive la douleur.

  • Que pensez-vous des cellules d’aide psychologique mises en place après un attentat ?

G.F. : Je ne suis pas sûr qu’il y ait un protocole de soutien qui puisse effacer l’irréparable. Il faut faire le deuil, toucher le fond, d’une certaine manière. Je pense que ces cellules de soutien sont plus efficaces pour les témoins que les victimes. Cela peut leur permettre de dépasser la spectacularisation, d’être vraiment là pour ceux qui étaient là au mauvais endroit et au mauvais moment.

  • Les hommages, bougies, fleurs, etc. qu’on voit apparaître après chaque attentat peuvent-ils aider ?

Les fleurs et les bougies relèvent plus de la pensée magique : on croit qu’elles vont nous permettre de maîtriser le réel, comme si on avait du poids sur la vie. Pour moi, c’est une illusion. La spectacularisation des hommages peut même être un piège pour les victimes si la société ne maintient pas son soutien dans la durée. Plus fortes seront les cérémonies, plus fort sera leur sentiment d’abandon quand la société passera à autre chose. Allumer des briquets comme à un concert de Michèle Torr n’apporte pas grand-chose si l’attentat ne nous ouvre pas aux autres. Les victimes ont une peine perpétuelle, la société a le devoir perpétuel d’être à leurs côtés.

  • Qu’est ce qu’on peut améliorer ?

G.F. : La question cruciale est celle du préjudice. Il fut que les victimes soient indemnisées le plus vite possible. La lenteur des procédures réactive la douleur, entretient l’isolement et le sentiment d’injustice.

  • Qu’est-ce qui vous a manqué vous-même, en tant que victime ?

G.F. : Rien ne m’a manqué, mais il y a des choses qui m’ont pesé. Le plus dramatique, c’était la froideur des experts. J’ai dû subir plusieurs expertises pour évaluer mon préjudice auprès des assurances, de la CIVI (fonds de garantie pour les victimes d’infractions N.D.L.R.). La plupart des experts sont malveillants, froids et cyniques. Il faudrait une réforme structurelle de l’accompagnement des victimes. Si j’ai un « tuyau » à leur donner, c’est de ne pas aller seul aux expertises.

Propos recueillis par Catherine PIETTRE
© Dna, Vendredi le 14 Décembre 2018 - Tous droits de reproduction réservés

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Georges Yoram Federmann
Psychiatre gymnopédiste

5 rue du Haut-Barr
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