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La Cour de cassation a consacré pour la première fois, en droit interne, le rattachement de l’appel au boycott de produits israéliens à la liberté d’expression

vendredi 12 janvier 2024

Extrait de "Actualités juridiques et lutte contre le racisme" du MRAP (1er trimestre 2024) :

Par un arrêt du 17 octobre 2023, la Cour de cassation a consacré pour la première fois, en droit interne, le rattachement de l’appel au boycott de produits israéliens à la liberté d’expression.

Jusqu’ici, critiquer la politique israélienne en menant la campagne « Boycott-Désinvestissement-Sanction » (BDS), consistant à appeler, sans faire usage de violence, à ne pas consommer de produits en provenance d’Israël afin de manifester contre l’occupation des territoires palestiniens et les atteintes portées aux droits humains, pouvait mener à une condamnation pénale par la justice française.
Jugeant qu’il s’agissait de faits discriminatoires, la Cour de cassation avait ainsi validé à plusieurs reprises des sanctions dont certains militants avaient fait l’objet.

Mais dans une décision en date du 11 juin 2020, la CEDH condamna la France, concluant à une violation de l’article 10 de la Convention, lequel consacre la liberté d’expression.

Ce nouvel arrêt de la Cour de cassation revêt à cet égard une importance particulière d’un point de vue juridique dans la mesure où il permet enfin de rattacher, sous certaines conditions, l’appel au boycott de produits importés d’Israël à la liberté d’expression.

La chambre criminelle a ainsi rejeté, en l’espèce, le pourvoi formé contre la décision de relaxe d’une directrice de publication qui avait relayé sur son site internet l’action militante d’un groupe pro-palestinien ayant appelé au boycott de produits pharmaceutiques commercialisés par une filiale d’un groupe israélien.

La Cour a d’abord rappelé que selon la CEDH, l’appel au boycott, qui constitue une modalité particulière d’exercice de la liberté d’expression en ce qu’il combine l’expression d’une opinion protestataire et l’incitation à un traitement différencié, suppose d’apprécier, au cas par cas, s’il traduit l’exercice légitime du droit à la liberté d’expression ou s’il constitue un appel pénalement répréhensible à la discrimination, à la violence ou à la haine.

La Cour de cassation a dans un second temps approuvé le raisonnement des juges du fond, lesquels avaient retenu qu’en l’espèce, la directrice de publication n’avait pas outrepassé les limites de son droit à la liberté d’expression en relayant une telle action : « en effet, les propos publiés, s’ils incitaient toute personne concernée à opérer un traitement différencié au détriment de la société, ne renfermaient pas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence ».

Pour consulter la décision de la Cour de cassation, chambre criminelle, 17 octobre 2023, pourvoi n° 22-83.197 :
https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CASS_LIEUVIDE_2023-10-17_2283197#motifs