On m’a demandé de faire un point sur ce qui va se passer à l’ONU à partir de lundi prochain. Impossible sans d’abord rappeler le contexte.
Un contexte qui ne doit jamais être omis ou minimisé : une situation historique longue de 78 ans, et pas seulement depuis les attaques du 7 octobre 23 dont l’effet anesthésiant, disculpant, culpabilisant ou criminalisant doit être dépassé, sans nier leur caractère de crimes de guerre.
De l’avis des instances de l’ONU, Israël est un Etat colonial, une puissance d’occupation, un Etat qui pratique l’apartheid et maintenant un Etat génocidaire, qui nie tout droit au peuple palestinien (PP) à exister (cf. les propos du PM israélien et de bien d’autres avant lui). Le dernier rapport d’une Commission du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies l’a clairement établi ; l’intentionnalité génocidaire est prouvée sans ambiguïté. Israël est devenu un Etat voyou par ses multiples assassinats y compris à l’extérieur de son territoire (Palestine, Liban, Syrie, Iran, Yémen, Qatar).
Le contexte c’est aussi deux années de guerre génocidaire à Gaza (c’est le bon concept) dans des conditions affreuses et horribles que tout le monde connait - personne ne peut dire je ne savais pas (cf les chiffres évoqués par Francesca Albanese de l’ordre de 10 fois plus de tués que les chiffres annoncés).
Gaza brûle et Gaza ville est engloutie sous les flammes, des ordres d’évacuation ont été émis vendredi, pour aller où et comment ? Une nouvelle offensive terrestre depuis une semaine aux conséquences désastreuses, toujours sans aucune sanction contre Israël, qui bénéficie du soutien indéfectible des USA, tout aussi complices de génocide (cf avant-hier nouveau le veto américain contre une résolution appelant au cessez le feu).
C’est dans ce contexte que l’AG Onu lors de sa 80e session, organisera le 22 sept une « Conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution des deux États ».
Coprésidée par la France et l’Arabie saoudite, cette Conférence s’appuie sur la Déclaration de New York fin juillet 2025, qu’elle a endossée début septembre par 142 voix pour, 12 abstentions et 10 voix contre (Argentine, États-Unis, Hongrie, d’Israël, Micronésie, Nauru, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, et Tonga).
Que dit cette déclaration ?
Elle dresse une feuille de route pour matérialiser la solution à deux États. Pour beaucoup, il s’agit d’un « d’une grande étape vers la liberté et l’accomplissement du droit à l’autodétermination du peuple palestinien ». Cette feuille de route demande un cessez-le-feu immédiat à Gaza, une aide humanitaire immédiate, la libération de tous les otages, l’établissement d’un État palestinien viable et souverain, le désarmement du Hamas et son exclusion de la gouvernance de Gaza, la mise en place sous condition d’une « mission internationale temporaire de stabilisation » mandatée par le Conseil de sécurité de l’ONU, et surtout la normalisation entre Israël et les pays arabes dans le cadre de la mise en place de garanties de sécurité collectives. Enfin, c’est aussi un plan contre l’effroyable projet Trump de Riviera du MO.
Mais comme souvent, le diable se cache dans les détails, ce texte n’y échappe pas, car il y a des zones d’ombre.
Ce texte ne fait aucune référence au génocide. Le droit international est malmené et les acquis judiciaires de 2024 semblent être relativisés, voire effacés. Rien n’est dit sur la nature coloniale de l’Etat d’Israël, ni sur les obligations qui lui incombent, notamment après l’avis de la CIJ du 19 juillet 2024 et résolution de l’ONU de septembre 2024 : l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens sont illicites et Israël doit se retirer de tous les TPO au 18 sept 2025. Des sanctions auraient dû être prises par les Etats et l’ONU pour ne pas se rendre complices d’un génocide.
En outre, si un Etat palestinien est bien envisagé, les conditions mises à création sont nombreuses. Que l’on en juge :
La première condition est qu’Israël l’accepte, on sait ce qu’il en est…pas besoin d’en dire plus. Israël est toujours en surplomb des Palestiniens.
La seconde, l’Etat Palestinien sera fortement diminué, non militarisé et devra constamment rejeter toute violence et lutter contre le terrorisme. L’Autorité Palestinienne -AP- (instance de gouvernement) sera essentiellement dédiée à la sécurité des palestiniens mais aussi celle d’Israël, prorogeant la coopération sécuritaire, honnie par les Palestiniens qui voient en l’AP un supplétif d’Israël.
La troisième condition : des élections seront organisées mais limitées « aux acteurs engagés à respecter le programme politique et les engagements internationaux de l’OLP ». Si le Hamas est visé, quid des partis indépendants nombreux et souvent crédités de bonnes intentions de vote ?
La 4e condition porte sur les choix de politique économique. L’AP devra « faciliter le commerce et améliorer la compétitivité du secteur privé », conservant ainsi la domination économique d’Israël sur la Palestine dans un réaménagement du protocole de Paris de 1994 mais sans en changer la logique. Toute la grammaire libérale est par ailleurs mobilisée : « bonne gouvernance, transparence, viabilité des finances publiques, lutte contre la corruption et contre la violence, fourniture de services, environnement favorable aux affaires et au développement », loin de l’autodétermination du PP, libre de faire ses propres choix. On retrouve ici les grandes lignes et de la feuille de route 2003 du Quartet, qui n’ont jamais produit de résultat positif pour le PP.
La 5e condition : ce texte évoque la fin de l’action de l’UNRWA, qui devra remettre ses services à la nouvelle AP. Cela se fera après qu’une solution juste au « problème des réfugiés » aura été trouvée, laquelle bien que réaffirmant le droit au retour, semble pencher fortement vers la seule compensation financière.
Enfin, 6e condition, la déclaration conduit principalement à la normalisation d’Israël avec son environnement Moyen Oriental, soit la remise au goût du jour des Accords d’Abraham, ce qui en dit long sur l’attitude des dirigeants arabes ; ces accords qui soldant l’idée d’un Etat Palestinien viable et souverain.
Cette déclaration sera sans doute adoptée Lundi 22 ou les jours suivants, bien qu’Israël et les USA s’y opposeront, car à l’AG des NU, c’est un Etat-une voix, Toutefois une question principale demeure : de quel Etat de Palestine s’agit-il ? E. Macron en service après-vente auprès d’un journal Israélien a juste dit qu’Israël est en train de détruire sa crédibilité…quel aveu après 2 ans de génocide…
Pour que cette reconnaissance change la vie des Palestiniens, qu’elle contribue à l’exercice de l’autodétermination du peuple palestinien et que le génocide cesse, il est capital que le 22 septembre marque le retour du droit international. Les recommandations de la résolution du 18 septembre 2024 doivent être respectées. Or, comme Israël n’a tenu aucun compte de cette résolution, les USA le soutenant, seuls des actes concrets, forts comme des sanctions effectives et immédiates, l’arrêt des ventes d’armes et de matériel, la suspension des accords de commerce, pourront l’y forcer. Et si le CS ONU ne peut agir en raison du veto américain, l’AG des NU est en mesure de le faire, en vertu de la résolution de 1950 « uni pour la paix » qui lui donne la capacité d’agir en cas de blocage du CS.
Et sans attendre, chaque Etat comme certains l’on fait (ex de l’Espagne, Belgique, Ecosse, les pays du groupe de La Haye) peut prendre des sanctions ou agir sur d’autres leviers.
Si « rendre impossible un Etat palestinien est l’objectif d’Israël depuis sa création » (M. Chemillier-Gendreau), il appartient aux peuples de tout faire pour éviter aujourd’hui, la disparition d’un Peuple. Nous devons poursuivre notre mobilisation et notre vigilance, ici, partout en France et ailleurs (c’est ainsi que les gouvernements ont bougé) afin d’augmenter la pression sur nos dirigeants, isoler encore plus Israël pour l’amener à respecter le droit International : c’est là le vrai sens de l’Histoire, celui de notre destinée commune.
A nous de poursuivre sans relâche toutes ces actions, à commencer dès demain à la Maison Phare à Dijon, qui s’inscrit dans le grand mouvement du 21 sept : Stop au génocide et pour reconnaissance d’un Etat de Palestine.
Dijon 20 sept. 2025
