Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples

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Lettre ouverte du comité du MRAP aux élu.e.s du Conseil municipal de Strasbourg par rapport à la motion de Madame Catherine Trautmann sur l’antisémitisme

samedi 1er mai 2021

Comité de Strasbourg du MRAP
comite chez mrap-strasbourg.org

Lettre ouverte du 1er mai 2021 aux élu.e.s du Conseil municipal

Objet : Motion de Madame Catherine Trautmann sur l’antisémitisme

Madame, Monsieur,
Nous avons eu connaissance de la motion que Madame Trautmann a annoncé vouloir présenter au Conseil municipal ce lundi 3 mai. Elle suit celle de Monsieur J.P. Vetter qui a déjà donné lieu le 19 avril à un beau débat se concluant par le rejet de sa motion. Nous avons lu aussi la Tribune de Roland Ries et de Fabienne Keller dans les DNA du 29 avril. Quelle obstination de ces élus LR, LREM, Agir-la droite constructive et du PS !

L’antisémitisme c’est le racisme qui vise les juifs. Qui n’est pas d’accord avec cette définition ? Pourquoi vouloir en imposer une dite « opérationnelle » avec des phrases très critiquables ?
Pourtant les textes juridiques actuels sont opérationnels, y compris ceux de la Cour Européenne des Droits de l’Homme dont le siège est à Strasbourg !

Le MRAP et d’autres associations peuvent ainsi se porter partie civile lorsque les prévenus sont accusés, avec preuves à l’appui, de paroles ou d’actes à l’encontre de la victime « à raison de son origine, son appartenance ou sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une race, une religion » ou accusés de négationnisme, d’apologie de crimes contre l’humanité... Avec ces textes, le comité de Strasbourg et l’ensemble du MRAP ont toujours combattu l’antisémitisme et toutes les autres formes de racisme, que ce soit dans les débats dans les établissements scolaires, réunions, rassemblements et manifestations publiques et privées, sur son site…

Le Bureau National du MRAP a rédigé un recueil sur plusieurs formes de racisme et les luttes à mener contre elles. L’antisémitisme y figure, y compris sous ses aspects récents.
https://www.mrap.fr/des-formes-du-racisme.html?debut_articles_rubrique=%40838&recherche=Recueil%20de%20textes

Une phrase rédhibitoire de la motion de C. Trautmann : « c’est par l’antisémitisme que le déni d’humanité a connu sa forme la plus extrême".

Que pensent de cette phrase les descendants des personnes mises en esclavage lors de la traite négrière et des victimes de la colonisation, les rescapés des génocides des Arméniens, des Tutsi… ? Comment évaluer le déni d’humanité ? Celui-ci a-t-il des degrés ? A nos yeux il n’y a pas un déni d’humanité pire qu’un autre et nous refusons les concurrences mémorielles qui sont contreproductives, divisent les diverses victimes et leurs descendants ainsi que la population. Lors des commémorations nous essayons d’en tirer des leçons pour aujourd’hui, notamment en dénonçant les politiques de haine désignant des boucs émissaires « extérieurs » et « intérieurs » pour faire diversion.

Dans la motion de C Trautmann figure aussi la phrase : « Aussi refusons-nous que les critiques portées aux politiques israéliennes conduisent à dénoncer l’existence de l’Etat d’Israël. » Elle mérite quelques commentaires.

Celles et ceux qui s’obstinent à présenter au Conseil municipal la « définition opérationnelle » de l’IHRA avec ses exemples concernant Israël, oublient que, peu de personnes à Strasbourg remettent en cause son existence. Beaucoup critiquent ses politiques avec ses crimes d’apartheid, coloniaux et contraires au Droit international. Human Right Watch, une grande ONG américaine, a tout récemment publié un dossier ayant pour titre « Des politiques israéliennes abusives constituent des crimes d’apartheid et de persécution »
https://www.hrw.org/fr/news/2021/04/27/des-politiques-israeliennes-abusives-constituent-des-crimes-dapartheid-et-de?fbclid=IwAR04IqEl2zbM7XzZmtQQ0bnqkCLRgES6Ssf-eQ5661JRLDYrJBy5XjqTa74

Avec l’adoption par le parlement israélien le 18 juillet 2018 de la loi « fondamentale » (équivalent de la constitution) faisant d’Israël « l’État-nation du peuple juif », les yeux devraient s’ouvrir et voir la réalité.

Cette loi officialise les discriminations envers les Israéliens non juifs. Les droits politiques et nationaux ne sont accordés qu’à la population juive. Le droit à l’autodétermination sur la terre d’Israël, y compris dans les territoires palestiniens occupés, est réservé au seul peuple juif. Elle officialise l’annexion de Jérusalem et légalise l’implantation de toutes les colonies juives en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Que diriez-vous si la République française se présentait dans sa Constitution comme l’Etat des catholiques ou des Blancs ?

11 Alsaciennes et Alsaciens ont appelé à Mulhouse au boycott des produits israéliens, vu le non-respect du Droit international par ce pays : ils ont été poursuivis par le Procureur, le CRIF et d’autres associations, y compris la LICRA. Ils ont été condamnés par la Cour d’Appel de Colmar en 2013. La Cour de cassation a entériné cet arrêt en 2015.
Mais la Cour Européenne des Droits de l’Homme, instance juridique suprême pour tous les pays qui ont adhéré au Conseil de l’Europe, a condamné le 11 juin 2020 la France pour ces décisions. Elle a notamment précisé que l’appel au boycott pour des motifs politiques est tout particulièrement protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Les seules limites à cette liberté d’expression étant dans cette situation l’appel à la haine, à la violence ou à l’intolérance. Cette condamnation est définitive et sans appel. Monsieur Ries et Madame Keller écrivent pourtant aux Strasbourgeois.e.s, via leur tribune dans les DNA, qu’en France le boycott « est puni par la loi » !

Après la chute du nazisme en 1945 et la libération des camps de concentration, les Résistants et les victimes ont crié « Plus jamais ça ! » Parmi vous beaucoup, ayant en tête l’image perçue en 1948, s’imaginent peut-être qu’Israël est aujourd’hui une démocratie.

Les dirigeants israéliens actuels ont entrepris de faire adopter par les institutions et les collectivités une définition de l’antisémitisme suivie de nombreux exemples où il est question d’Israël. La machine de propagande israélienne, s’appuie de façon abjecte sur le génocide des juifs et l’antisémitisme qui s’est poursuivi en Europe après 1945, pour masquer et justifier les crimes d’apartheid et de persécution de l’Etat d’Israël vis-à-vis des Palestiniens. Il s’agit aussi pour elle de donner des moyens pour éteindre les voix de ceux qui résistent face à son oppression, à la colonisation et qui défendent les droits légitimes des Palestiniens, y compris parmi les juifs israéliens et autres, notamment aux Etats Unis, en France.

Aussi, nous vous demandons de voter contre la motion de Madame Trautmann si elle est à l’ordre du jour.

Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments distingués.