Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples

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Message audio de MUMIA sur la situation aux Etats Unis, interview et rassemblement pour sa libération ce mercredi 2 à Paris à 18 heures Place de la Concorde

dimanche 30 août 2020

Notre rassemblement mensuel aura lieu à proximité de l’Ambassade des Etats-Unis, toujours avec les mesures sanitaires obligatoires : port d’un masque, distanciation physique, mise à disposition de gel hydro-alcoolique pour se laver les mains. Nous rappelons que notre Collectif s’est engagé auprès de la préfecture de police de Paris à faire respecter ces mesures par tous les participants au rassemblement.

Message de MUMIA au Collectif français et à ses soutiens

Traduction ci-dessous du message audio que vous trouverez en pièce jointe

A mes amis du Collectif et à mes soutiens français.
Je vais vous parler en anglais et vous saluer en français pour vous informer de ce qui se passe aux Etats-Unis.
C’est une époque de souffrance et de mort dans ce pays. Il en est ainsi à cause du Covid 19, le virus Corona. Il en est ainsi également parce que les responsables politiques de ce pays sont des messagers de chaos et de mort. Tout comme le virus, ils sont porteurs de mort.
Quant aux prisonniers ils sont calmes mais très soucieux et inquiets.
Quant à ma situation judiciaire, j’en sais probablement autant que vous, c’est-à-dire rien ! Nous n’avons eu aucune nouvelle des tribunaux de Pennsylvanie depuis des mois, donc je n’ai aucune information à vous communiquer à ce sujet.
Mais je vais bien. La lutte continue et je vous aime car on m’a dit que vous continuiez à vous rassembler place de la Concorde à Paris et je vous en remercie.
Merci mes amis.
C’est Mumia Abu-Jamal

Interview exclusive de Johanna Fernandez, porte-parole de Mumia Abu-Jamal Vous trouverez cette interview réalisée par le Collectif français "Libérons Mumia

Comment va Mumia ? Comment fait-il face à la pandémie de COVID-19 ? Plus généralement, quelles en sont les conséquences pour les détenus ?

Johanna Fernández - Parce que les prisons américaines sont surpeuplées et qu’il n’y a aucune possibilité de distanciation sociale en leur sein, le COVID 19 représente une menace mortelle pour tous les prisonniers, en particulier les prisonniers de plus de 50 ans avec des conditions de santé précaires, comme c’est le cas pour Mumia Abu-Jamal. L’incapacité de la prison à traiter son hépatite C en temps opportun il y a trois ans a fragilisé durablement son état de santé. Des examens médicaux ont déterminé qu’il avait des lésions hépatiques. Bien que ces dommages soient latents pour le moment, il fait partie de la population de prisonniers qui encourent de sérieux risques s’ils contractaient le COVID 19.

Pour limiter les conséquences du COVID, le département pénitentiaire de Pennsylvanie a décidé, en mars, le verrouillage total des prisons et de ses prisonniers, et suspendu toutes les visites. Cela signifie que les détenus sont enfermés dans leurs cellules toute la journée. Ils peuvent seulement en sortir 45 minutes pour se rendre dans les parties communes de leur quartier pénitentiaire - pas plus de douze à la fois - pour passer des appels téléphoniques, télécharger des courriels sur leurs tablettes et nettoyez leurs cellules.

Enfermer des prisonniers plus de 23 heures par jour est inhumain et pire que les conditions d’isolement imposées aux condamnés à mort aux États-Unis. Ces restrictions commencent lentement à diminuer.

Contrairement à d’autres pays, comme l’Iran et la Turquie, qui ont libéré plus de 50% de leurs prisonniers pour éviter des infections massives et des décès en nombre pendant la pandémie, les gouverneurs des États-Unis n’ont pas accepté de libérer beaucoup de détenus.

La pire crise de coronavirus dans les prisons américaines est celle que subit la prison San Quentin dans le nord de la Californie. Cette célèbre prison est maintenant le centre de la plus grande épidémie de coronavirus du pays, où plus de 2.200 prisonniers ont été testés positifs au COVID 19. En août, au moins 24 prisonniers y sont décédés. San Quentin n’est pas un incident isolé, entre mars et juin, le taux d’infection à coronavirus dans les prisons a augmenté à un rythme de 8% par jour, contre 3% dans la population générale. Dans tout le pays, des militants et des avocats ont protesté et ont intenté des poursuites pour faire pression sur les juges afin qu’ils ordonnent la réduction de la population carcérale en libérant des prisonniers plus âgés ou malades, pour qui contracter le COVID signifierait une condamnation à mort. Nos efforts et nos demandes sont hélas restés sans suite.

Malgré ces circonstances, Mumia va bien. Comme toujours, il passe ses journées à lire et à écrire. Il y a un an, il a postulé et a été accepté pour un programme de doctorat dans une grande université. Il se consacre donc à ses études.

Où en est la procédure judiciaire actuelle visant à contester le droit de recours qui lui a été accordé l’an dernier pour le réexamen de sa peine ?

Johanna Fernández - Le dossier de Mumia a été bloqué par Maureen Faulkner, la veuve du policier assassiné.
Comme vous le savez, Maureen Faulkner est un accessoire majeur utilisé par l’Ordre fraternel de la police, le plus grand syndicat de police au monde, l’objectif étant que Mumia - injustement accusé et condamné - reste définitivement derrière les barreaux. Lors d’une conférence de presse l’année dernière, elle déclarait que Mumia pourrait être bientôt libéré, se référant à la décision de justice sans précédent qui venait de lui accorder le droit de faire appel d’une série de violations de ses droits constitutionnels, ce qui lui avait été précédemment refusé par la Cour suprême de Pennsylvanie pendant presque deux décennies.

La décision d’accepter ces appels était basée sur le fait que Ronald Castille, juge à la Cour suprême, avait refusé de prendre en considération ces violations avérées en raison de son implication personnelle (il était alors procureur de Philadelphie) dans les poursuites engagées contre Mumia. Ronald Castille avait également manifesté une constante animosité à l’égard de celui qu’il qualifiait de « tueurs de flics ». C’est sur cette base que la justice a accordé à Mumia un droit d’appel, jugeant que Ronald Castille avait un conflit d’intérêts dans le cas de Mumia et aurait donc dû se retirer du processus judiciaire. Fort de ce nouveau droit, les avocats de Mumia ont déposé leurs mémoires.

En riposte, Maureen Faulkner a déposé une rare requête connue sous le nom de pétition du « banc du roi », laquelle a la particularité de ne pouvoir être instruite que par la plus haute cour de justice de Pennsylvanie. Cette juridiction a qualité pour intervenir et défendre les intérêts des citoyens dans les affaires où le bien commun est en péril. Dans sa pétition,
Maureen Faulkner allègue que l’actuel procureur du district de Philadelphie, Larry Krasner, avait un parti pris en faveur de Mumia (NDLR en ne s’opposant pas au droit d’appel) et que par équité, il ne devrait donc pas être autorisé à poursuivre l’affaire.

Autrement dit, au moment où les allégations de violations constitutionnelles de Mumia ont été établies par un tribunal, Maureen Faulkner a obtenu l’arrêt de toutes les procédures en accusant Larry Krasner de la même violation que Ronald Castille.
Sans surprise hélas, la Cour suprême conservatrice a décidé d’entendre sa réclamation et a chargé un juge à la retraite d’enquêter sur ses allégations. Ce juge a terminé son enquête, mais le déroulement de cette pétition - qui exclut nos avocats et n’inclut que le procureur et Maureen Faulkner - a été scellé.

Cela signifie que les conclusions ne sont pas rendues publiques, les avocats de Mumia estimant que le procureur en est probablement à l’initiative pour des raisons de stratégie juridique. Nous attendons que la Cour suprême de Pennsylvanie fasse connaître sa décision : soit valider la pétition de Maureen Faulkner, soit la rejeter.

Comment évaluez-vous la mobilisation du 4 juillet à Philadelphie pour la libération de Mumia et contre les violences policières ?

Johanna Fernández - Malgré l’inextricable dossier de Mumia devant les tribunaux, la dernière mobilisation dans les rues de Philadelphie le 4 juillet dernier a été plus importante que ce que nous avions vu depuis bien longtemps.
Les manifestations contre les violences policières dans tout le pays ont le potentiel de redynamiser le mouvement pour libérer Mumia Abu-Jamal avec l’énergie d’une jeune génération de personnes consciente des enjeux.

Pendant près de 40 ans, l’Ordre Fraternel de la Police (FOP) a usé et abusé de la peur autour de l’affaire Mumia pour faire avancer son programme politique néo-fasciste, notamment en déployant une propagande raciste extrême et en qualifiant Mumia de monstre dangereux et de tueur de flics de sang-froid. Durant ces décennies, le FOP a fait campagne pour militariser la police et renforcer ses pouvoirs. Cas après cas, les actes brutaux de violences policières se sont multipliés, la loi et la justice couvrant les assassinats de plus en plus nombreux de citoyens afro-américains.

Dans ce contexte, notre mission la plus importante est de lier la lutte pour libérer Mumia et d’autres prisonniers politiques avec la lutte pour démanteler et abolir une force de police dont l’histoire de la violence et de la terreur raciste contre les Noirs américains est directement liée à l’origine de la police aux États-Unis, en tant que chasseurs d’esclaves en fuite et de protecteurs de l’institution de l’esclavage.

Août 2020

(*) Johanna Fernández est porte-parole de Mumia Abu-Jamal
Professeure agrégée au Baruch College (Université de New York) où elle enseigne
l’histoire des Etats-Unis au XXème siècle et l’histoire des mouvements sociaux
Chroniqueuse sur radio WBAI 99,5 FM (New York) et en ligne @ WBAI.org
Réalisatrice du film Justice On Trial, documentaire sur Mumia Abu-Jamal
Auteure de The Young Lords, l’histoire d’un groupe d’activistes radicaux portoricains

Cette interview et sa traduction ont été réalisés par le Collectif français Libérons Mumia
www.mumiabujamal.com

COLLECTIF FRANÇAIS "LIBÉRONS MUMIA !"
rassemblant une centaine d’organisations et de collectivités publiques
MEMBRE DE LA COALITION MONDIALE CONTRE LA PEINE DE MORT
Vous retrouverez toute les informations ci-dessus sur notre site www.mumiabujamal.com