Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples

Accueil > Activités > Monsieur Raphaël GOMEZ NIETO, dernier survivant de la Nueve, compagnie de (...)

Monsieur Raphaël GOMEZ NIETO, dernier survivant de la Nueve, compagnie de combat de la 2ème division blindée du Général Leclerc est mort à Strasbourg des suites du COVID 19.

samedi 4 avril 2020

Le comité du MRAP va demander à la Mairie de Lingolsheim d’organiser une cérémonie autour d’une plaque commémorative en hommage à celui qui y a longtemps habité.
Ci-dessous un film qui relate l’histoire de la Nueve
https://www.bing.com/videos/search?q=la+nueve+ou+les+oubli%C3%A9s+de+la+victoire&docid=608030651318142598&mid=6F95904A47D3E0124FDC6F95904A47D3E0124FDC&view=detail&FORM=VIRE&fbclid=IwAR0MR3RvAxQJyJ11jeL9C2ncLTDzTcNkKSUCy7UUcmzvY9g6IfYLmGu8EGY

L’annonce ci-dessus a été publié dans les DNA

La photo est issue d’un article du journal La Croix
https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Coronavirus-Rafael-Gomez-Nieto-heros-espagnol-Liberation-Paris-mort-2020-04-02-1201087546


De Gérard Kerforn

Rafael Gomez Nieto a rejoint sa chère Florence.. le COVID 19 a eu raison de lui là où les nazis ont échoué...
J’ai trouvé cette édition du journal "El Periodico" qui lui avait donné la parole. En traduisant ses mots, j’avoue avoir été très ému par ce passage où il souhaitait, pour ses 100 ans trinquer en souvenir d’Alain ,ancien des brigades internationales tombé dans la libération de Strasbourg,
Simple remarque préalable, Rafael Gomez Nieto vivait à Lingolsheim, j’ai fréquenté son école primaire au début des années 50, en ces temps là on occultait l’histoire de la "Nueve" il eut été incongru que des espagnols aient pu libérer Paris. Espérons que les écoliers de la ville en se rendant à l’école passeront dorénavant devant une plaque en mémoire de Rafael Gomez Nieto.

https://www.elperiodico.com/…/habla-el-ultimo-de-la-nueve-i…

El Periodico : Quel est votre principal souvenir de la guerre ?
Rafael Gomez Nieto - Le principal souvenir qui te reste d’une guerre est la peur. Mais aussi que tu fais tout en courant : tu cours ici, tu cours là-bas… j’ai débarqué en courant !.
Sur la plage beaucoup de soldats étaient morts auparavant… beaucoup, surtout ceux qui évoluaient à pied, sur leurs péniches, parce que quand la porte de la barge se baissait ils étaient très serrés et n’avaient pas de défense.
Nous avons vécu beaucoup de coups durs après, en Europe mais aussi en Afrique.
En Afrique je conduisais le HalfTrack Guernica (c’est comme cela qu’ils écrivaient le nom sur le devant du véhicule), j’ai été chauffeur du lieutenant Granell pendant 4 mois (Amado Granell a été le premier à poser le pied dans la mairie de Paris libérée) .
Ensuite on m’a confié le « Don Quichote ». Tout d’abord on m’a donné un uniforme anglais, puis un américain et enfin un français. Sur le capot des véhicules on mettait une étoile américaine, pour que notre aviation les voient bien, mais les allemands la mettaient aussi.

El Periodico : Que pensez-vous des Allemands que vous avez affrontés ?
Rafael Gomez Nieto - Je ne ressens rien. Je vis à la frontière, et nous allons souvent mes filles et moi-même nous promener en Allemagne.
C’est bien ; la guerre est finie longtemps.
La guerre est très mauvaise, très mauvaise. La guerre est toujours mauvaise. Elle est mauvaise en Espagne ; elle est mauvaise en Algérie ; elle est mauvaise en Tunisie ; elle est mauvaise en Europe ; elle est mauvaise pour toi et elle est mauvaise pour ton ennemi.

El Periodico : Vous avez-vous vu beaucoup de morts, mais aussi beaucoup d’hommes braves…
Rafael Gomez Nieto Voyez… dans la guerre il n’y a pas à être vaillant, dans la guerre il faut être normal, comme tout le monde.. ; Il n’y a pas à être vaillant, parce que cela ne sert pas à grand-chose.. il est plus normal d’avoir peur.. surtout quand tu avances à pied, cherchant les patrouilles, regardant si quelqu’un sort d’ici ou de là.

El Periodico : Trop de jeunes hommes morts..
Rafael Gomez Nieto Oui, jeunes, vieux, enfants.. femmes… de tout. la guerre tue tout le monde

El Periodico :Vous êtes le dernier membre de la « Nueve » qui reste en vie… quel était votre meilleur ami dans la compagnie ?
Rafael Gomez Nieto Dans mon véhicule, nous étions quatre espagnols. Je me souviens de tous de la même façon .. et aussi de l’adjudant chef Moreno, du sergent Zubieta, un autre que l’on appelait « El Chato » et qui chantait « l ‘arbre est tombé, où chantait le paon » Quand tu entres en combat tous sont tes amis. Et quand tu restes seul, il n’y a plus d’ami en vue…
Je n’ai pas pu monter à Berchtesgaden (le nid d’aigle, refuge de montagne d’Hitler à la conquête duquel participa la « nueve »), mes amis sont tous montés et j’ai du rester en bas pour garder le véhicule parce que j’étais le chauffeur.
Je n’oublie pas mes compagnons. Tous les ans nous allons dans un village où beaucoup sont morts (Grussenhiem, au sud des Strasbourg, à la frontière avec l’Allemagne où la « Nueve » a été décimée, parmi eux Alain qui auparavant avait été dans les brigades internationales. Il y est enterré. Le maire nous invite chaque année à boire un verre pour eux tous, il l’avait promis, et je bois un verre à leur santé. « En janvier j’aurais 99 ans, et je pense aller là-bas pour trinquer au moins jusqu’à mes 100 ans …

El Periodico : Qu’est ce qui te reviens en mémoire quand tu te souviens de la libération de Paris, quand les blindés de ta compagnie furent les premiers à entrer dans la ville.
Rafael Gomez Nieto Je me souviens avoir gardé le véhicule sous des arbres… il fallait traverser la ville en courant.. il transportait un canon antichar, il était manié par un Galicien qu’on appelait « chéri » .
Je souviens qu’après cela nous sommes allés dans un champ aux alentours où nous avons passé trois nuits.
Nous étions contents. Plusieurs jeunes filles sont venues au campement pour nous saluer. Il y en avait tant que le capitaine Dronne, qui ensuite devint général, s’est fâche et nous a dit « voyons voir si dans ce campement il y a plus de femmes que de soldats ! »

El Periodico : Adra (Almeria) votre terre vous manque ?
Rafael Gomez Nieto Peu… je suis né là bas.. mais j’ai vécu 11 ans à Cadiz durant mon enfance. Mon père était carabinier. Mon père était carabinier affecté au port , puis il a été affecté à Barcelone, où nous sommes restés jusqu’à la fin de la guerre civile.

El Periodico : Pourquoi vous êtes-vous enrôlé, vous étiez membre d’un parti ?
Rafael Gomez Nieto Je n’avais pas d’idées politiques, j’ai lutté par loyauté, non pour la politique, Je n’avais rien de politique.
Je suis chrétien, je suis baptisé, comme mes enfants. Mais je ne prie pas.. si je vais à l’église, j’y reste silencieux … Au combat je ne priais pas non plus/// ça te laisse peu de temps pour penser.. Tu espères qu’une bombe ne te tombe pas sur la tête et que tu ne sautes pas dans les airs…
Je vivais à Badalona et j’avais 17 ans quand la république m’a mobilisé. J’étais dans la « quinta del biberon » (vu leur âge ces jeunes étaient appelés « la levée du biberon « ). J’ai passé la frontière à pied.. et on m’a conduit à Barcarès.

El Periodico : Comment était la vie dans le camp de concentration .
Rafael Gomez Nieto Là-bas sur la plage, j’ai travaillé à la construction des dortoirs , on nous donnait très peu de pain comme petit déjeuner, un barre pour 20 et des sardines. Et pour boire… de l’eau savonneuse… nous attendions que les bulles s’en aillent pour la boire. Il n’y avait pas d’autre eau.

El Periodico : Comment êtes-vous sorti de là-bas .
Rafael Gomez Nieto Un jour mon père qui était dans un autre camp à Argelès, est venu me voir. Il m’a dit que son frère était en Algérie ; qu’ils l’avaient emmené là-bas, et que je pourrais peut-être y aller aussi. Je suis parti avec de faux papiers comme frère de mon père. Et alors que j’étais en Algérie je me suis porté volontaire… je ne sais pas… sur un coup de tête... j’ai été au bureau d’engagement, Ils demandaient des chauffeurs ..et mon destin fut donc chauffeur en Tunisie.

El Periodico : La France a été reconnaissante à ceux de la « Nueve »
Rafael Gomez Nieto Au début ils ne disaient pas qu’on étaient espagnols. Ils disaient qu’on était français.. jusqu’à ce que la journaliste Eveline Mesquida raconte notre histoire. Dans le troisième régiment nous étions trois compagnies, la 9, la 10 et le 11/ Dans la Nueve pratiquement personne ne parlait français. Beaucoup venaient de la légion.

El Periodico : C’étaient des gens durs !
Rafael Gomez Nieto C’est pour cela qu’on nous mettait dans un bataillon en première ligne.. on nous mettait toujours devant !.

El Periodico : Au moins on leur donnait de bonne conditions
Rafael Gomez Nieto Des rations américaines, un cuisinier les préparait… il s’appelait « boubou » Il se fâchait quand nous devions partir en courant et laisser la nourriture.

El Periodico :C’était un bon cuisinier ?
Rafael Gomez Nieto Bon… il faisait ce qu’il pouvait !

El Periodico : Ces choses… vous les racontez à vos petits-enfants
Ne me parlez pas de petits-enfants (rires ..) j’en ai tant que parfois je n’en ai pas assez pour leur donner de l’argent de poche. Je ne parle pas de la guerre aux petits-enfants. Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas intéressés par la guerre, ils aiment seulement la musique et la fête.

El Periodico : Vous n’avez pas un message pour les jeunes ?
Rafael Gomez Nieto Ne faites pas la guerre. La guerre est mauvaise pour tout le monde.. seuls les riches gagnent la guerre.

El Periodico : Le gouvernement espagnol vous a accordé une renaissance il y a quelques temps
Rafael Gomez Nieto Bon.. la vérité est que déjà il n’y a plus personne de la Nueve.. il ne reste que moi. Quand je serai mort, ça m’est égal si on m’enterre ici ou En Espagne.. mais il fait que ce soit avec Florence. Qu’ils me mettent au « crematorium » et qu’ils mettent mes cendres avec mon épouse. Elle était d’origine espagnole.. vous savez ? Elle l’appelait Lopez. Je l’ai connue dans un bal, à Strasbourg. J’étais très bon danseur.. Florence et moi nous allions beaucoup au bal…
Allons... je n’ai pas eu une mauvaise vie.
(on peut voir Rafael Gomez Nieto sur la photo du milieu devant le halftrack.)