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Nadia Anjuman (1981-2005), poétesse et journaliste afghane

dimanche 18 août 2024

Entre 1996 et 2001, sous le régime des Talibans, elle fait partie d’un cercle clandestin de femmes étudiant la littérature. Par la suite elle s’inscrit à l’université et publie en 2004 un recueil de poèmes, Gul-e-dodi (Fleur rouge sombre) vendu à près de 3000 exemplaires, un best-seller dans ce pays. Mariée, elle écrit dans un poème "Je suis acculée derrière ces barreaux, pleine de douleur et de mélancolie" et "Je suis une femme afghane et je dois gémir".
Elle meurt le 5 novembre 2005 à l’hôpital d’Herat après avoir été sauvagement battue par son mari dans leur appartement d’Herat.


« Illumination »

Voici la nuit : la poésie illumine mes instants
Voici l’exaltation qui peigne mes cordes vocales
Quel est ce feu, merveille étrange, qui m’abreuve ?
Voici que le parfum de l’âme embaume le corps de mes rêves
Je ne sais de quelle montagne, de quel sommet d’espoir
Voici que souffle une brise nouvelle sur la saison de ma fin
Du halo de lumière me vient une transparence, luminescence
Voici que n’ont plus d’autre désir mes larmes et mes soupirs
Les étincelles de mes plaintes font une poussière d’étoiles
Voici que la colombe de mes prières fait son nid dans l’empyrée
Mes larmes incontrôlées sur les lignes de mon livre
Voici qu’elles tombent, goutte à goutte, vois-tu ô mon Dieu
De mes paroles dans un cahier, de mes mots tumultueux
Voici que gronde une tourmente, fruit de mon silence obstiné
Aube, chère aube, ne déchire pas la soie imaginaire
Voici que je suis plus heureuse la nuit, quand poésie illumine mes instants.

Traduction de Leili Anvar.

— -

” La lumière des étoiles
Est incarcérée dans une cage
Comment il-est donc ton cœur ?
Sans aucun doute,
Il flotte brutalement
Il chante toujours
Contre l’obscurité qu’il connait
Afin de ressentir la piqûre de la fatigue
De la mort !
Et passe sereinement
Cette courte vision de la vie
De celui qui ne voit jamais
La pure lumière.
Ton gémissement empoisonné
Tient ton cœur
De sa griffe, il bafouille toute ta peur
Jusqu’à maintenant, il n’était pas comme toi
Tu as vendu ta décision et tu n’as pas pu chanter
Ne sois pas calme
Et embrasse ta tombe !
Cage d’albâtre blanc
Espace pâle
Je m’incarcérerai pas ici
Comme un oiseau sage
Mes mots s’envolent en toute liberté
Ils s’envolent pour vivre
Encore une fois.”

Fleurs rouge sombre
— -

Mon cœur impatient
A l’aube
Rêve de la nuit solitaire
Serré et las
Il fait du vacarme des jours
Son excuse
Mais quand vient le soir
Le même cœur
Se met à chanter l’aurore
Et quand vient la nuit
Les branches de ses rêves
Se mettent à bourgeonner
Inconscient de lui-même
Il s’envole sans limite
Vers le ciel
Ah ! si seulement
Cueillir la lune
Si seulement la nuit
Pouvait pour le prix
D’une seule étoile
Racheter ma courbure
Si seulement l’aube
Pouvait ne point jaillir
Alors cette cité de la nuit
Je l’habillerais de lumière
Et mon regard
Serait pour l’éternité
Buveurs d’étoiles pures
Que faire de ce cœur
Brodeur de rêves
Ce cœur
Qui noie mon être
Dans un tissu d’imaginaire
Jusqu’à quand cette vieille sorcière
Me jettera ses charmes de vierge ?