Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples

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Récit de la pose de deux STOLPERSTEINE* en hommage à Jacques et René KNECHT, incorporés de force dont le premier fut Résistant

dimanche 9 juin 2024

Compte rendu et diaporama de CL

Diaporama de la cérémonie :

https://photos.app.goo.gl/Rk1jasoWDRrVUC9n9

Compte-rendu :

Etaient présents parmi nous
Jacqueline Knecht-Mosser, sœur de Jacques et René, son époux François Mosser, leur fille Marjorie Leitner et son mari, les petits enfants Romain et Coralie,
Nicole Dreyer qui présidait la cérémonie, membre du CA de l’association Stolpersteine 67
Bruno Studer Député de la circonscription,
Florian Kobryn Conseiller d’Alsace,
Marc Hoffsess adjoint au maire, référent du quartier,
Roland Ries maire honoraire de Strasbourg,
Richard Aboaf président des Stolpersteine 67,
Mesdames et messieurs les présidents d’associations du quartier, Monsieur le président des secouristes sauveteurs de la Robertsau, Monsieur Oziol président des scouts de la Robertsau, M Kostiw directeur de la maison Oberkirch, Chaib Choukri président de l’Association des deux rives,
Monsieur Aubry directeur de l’école européenne de Strasbourg, ses directeurs adjoints, Mme Denni professeur et Mme Frantz chef de chœur, des élèves de l’Ecole Européenne,
Georges Yoram Federmann président du cercle Menachem Taffel,
Jean Marie Esch président du Mémorial Alsace Moselle,
Maurice Batholomé président départemental du Souvenir Français, Mme Heitz et M. Chuberre, présidents de ses sections locales, Messieurs les portes drapeaux,
Marie Goerg Lieby présidente de l’Association pour l’Étude de la Résistance Intérieurs des Alsaciens (AERIA),
Les représentants des cultes : Père Olivier Birklé, Francis Blanchard,

Etaient excusés
Jeanne Barseghian maire de Strasbourg,
Jean Philippe Vetter conseiller municipal de Strasbourg, de l’Eurométropole et de la Collectivité européenne d’Alsace,
Frédérique Neau Dufour qui assiste aux cérémonies du débarquement,
Bernard Oziol président du Centre Socio Culturel l’Escale,

Mme Nicole Dreyer, maître de cérémonie a évoqué avec beaucoup d’émotions, la mémoire de Jacques et René Knecht (voir dans ce compte rendu la partie intitulée « A propos des frères Knecht … »).

De nombreuses personnalités ont pris la parole après elle.

  • M. Richard Aboaf, président des Stolpersteine 67, a souligné qu’il s’agissait de la 249ème pose dans Strasbourg, l’Eurométropole et le Bas-Rhin, depuis 2019. Il a salué M. Roland Ries qui avait été le premier à lancer le projet Stolpersteine sur la ville de Strasbourg. Notre mémoire et notre conscience sont interpellées par ces petits pavés de laiton, les Stolpersteine, aujourd’hui en particulier la douloureuse mémoire d’une Alsace-Moselle déchirée pendant la seconde guerre mondiale. Il a salué le travail remarquable de l’AERIA ainsi que sa présidente.
    Plus de 100 000 Stolpersteine ont été posées dans plus de 31 pays européens. Gunter Demnig, le créateur de ce mémorial délocalisé de la Shoah et de la déportation, a d’ailleurs reçu des mains de Mme Jeanne Barseghian, le jeudi 4 avril 2024, la médaille de la Ville en reconnaissance de ses œuvres pavées qui « contribuent au travail de mémoire ».
  • M. Hoffsess a représenté Mme Jeanne Braseghian. Il a salué tout le travail de mémoire accompli. Se rappeler du passé pour mieux vivre le présent et mieux préparer l’avenir. Un moyen de lutter contre la haine de l’autre, celui qui vient d’ailleurs, qui pense et croit autrement, qui vit autrement, qu’on érige en bouc émissaire de toutes nos difficultés, l’idéologie du bouc émissaire qu’on rejette et qu’on accuse de tous les maux. Le travail de mémoire d’aujourd’hui, nous permet de discerner que cette idéologie n’est pas morte en 1945, mais qu’elle reprend tous les jours de la vigueur et de la force. Elle se dirige vers toutes celles et ceux qui ne vivent pas comme nous, qui viennent d’ailleurs ou vers ceux qui ont besoin d’aide et de secours. La liste des boucs émissaires s’allonge chaque jour : chômeurs, migrants, pauvres, handicapés, SDF, juifs, musulmans, militants écologistes et syndicaux, … en une longue litanie de la haine. L’idéologie du bouc émissaire, est ce que les frères Knecht ont subi et ce qui a fini par les tuer !
  • M. Bruno Studer, qui revenait de l’Assemblée Nationale à Paris où il avait assisté au discours poignant de Volodymyr Zelensky, a insisté sur l’importance de résister aux forces du mal. Il a salué grandement le courage de ces jeunes hommes, sacrifiés pour la victoire de la France et le retour de la paix, paix ô combien précieuse.
  • M. Georges Yoram Federmann, président du cercle Menachem Taffel et membre des Stolpersteine a pris la parole. Coiffé du Judenhut, chapeau que les Juifs devaient porter au Moyen-Âge pour être immédiatement indentifiables, d’un keffieh autour du cou et de son T-Shirt « Kein Mensch ist illegal » (« Aucun Homme n’est illégal ») il a poussé la chansonnette. Psychiatre de profession, il a reçu dans sa consultation sans rendez-vous, la seule et unique en France, de nombreux icorporés de force entre 500 et 600 et a pu témoigner de la permanence de la honte, de la souffrance, de l’insomnie, des problèmes de conjugalité et de parentalité sur 2 ou 3 générations en lien avec le traumatisme vécu. Chacun de nous lorsqu’il est blessé est incapable de transmettre autre chose que de la douleur et il faut au moins deux générations « pour recoudre les morceaux » et retrouver une place dans la société. Les incorporés de force ont pour lui été abandonnés par la France, malgré les efforts des politiques au fil des générations.
  • Mme Denni, professeur à l’Ecole Européenne, nous a expliqué que ses élèves avaient travaillé sur des documents afin d’ élaborer une lettre, telle que les frères Knecht auraient pu l’adresser à leur sœur. Un élève a lu cette lettre en allemand, une élève ensuite en français, lecture riche en émotions …
    Les Stolpersteine ont ensuite été débarassées du sable qui les recouvaient par les petits-enfants Romain et Coralie et ont ainsi été dévoilées, moment empli de solennité et de recueillement. Une minute de silence a été respectée. Nous avons également chanté avec les élèves de l’Ecole Européenne, niveau CM1, sous la direction du chef de chœur Mme Frantz « Le Chant Des Partisans » ainsi que « La Marseillaise ».
  • Le père Olivier Birklé a ensuite appelé le Seigneur à conduire ses hommes auprès de lui, là où il n’y a plus ni larme ni douleur mais où règne seulement la Paix.
  • Pour clôturer, Jacqueline, sœur de Jacques et René Knecht, très touchée, a exprimé ses remerciements pour la reconnaissance rendue à ses frères, pour la pose de ces Stolpersteine et pour la venue de nombreuses personnalités et personnes plus anonymes, mais toutes là pour rendre hommage à ces deux jeunes incorporés de force, morts pour la France dans la fleur de l’âge. Elle a remercié notamment, M. Kostiw directeur de la maison Oberkirch, car c’est juste devant son établissement que les deux Stolpersteine ont été posées. Quelques cadeaux furent échangés avant de se retrouver pour partager le verre de l’amitié …

*Les Stolpersteine :

A propos de la famille Knecht …

Elle est originaire de la Robertsau depuis plusieurs générations.
Charles, le père de Jacques et René, est né le 22 avril 1892 et la mère Joséphine, née Hengy, est née en 1897. A l’époque Strasbourg et toute l’Alsace Moselle étaient allemandes.
Avant l’évacuation de 1939, ils habitaient rue St Fiacre à la Robertsau et au retour au 7 rue de l’Ill, Ils ont eu 6 enfants.

Le fils ainé Charles, né le 2.4 1919, vivait et travaillait à Lyon, c’est ainsi qu’il a échappé à l’incorporation de force.
Jacques est né en 1924 et René en 1925.

En 1939 la famille Knecht fut évacuée en Dordogne. Une fois revenus en Alsace, les Knecht mesurèrent le changement. L’Alsace et le département de la Moselle furent annexés par les nazis et pas seulement occupés. Cela se traduisait par une propagande nazie beaucoup plus forte et qui imposait aux habitants, notamment aux jeunes des devoirs qui servaenit l’Allemagne nazie

Jacques et René ont ainsi été victimes du travail obligatoire puis de l’incorporation de force comme de nombreux alsaciens. Ils ne seront plus vivants à la libération.

Raymond, né le 6.3 1929, a été envoyé, lui aussi, en Allemagne tout à la fin de la guerre pour travailler dans une ferme alors qu’il n’avait que 15 ans. Néanmoins il a toujours raconté qu’il était bien traité et bien nourri par cette famille avec laquelle il a entretenu des contacts longtemps après la libération.

Enfin Jacqueline ici présente, est née le 10.06.1040 pendant l’évacuation à Sigoulès en Dordogne, a épousé François Mosser. Leur fille Marjorie et leurs deux petits enfants Romain et Coralie, assistaient eux aussi à la cérémonie. Ils habitent toujours le quartier. Jacqueline était présente quand les gendarmes sont venus annoncer à sa mère la mort de Jacques. Aujourd’hui encore elle entend les cris de douleur de sa mère. Cette mère qui espérait le retour de son fils René, allait régulièrement à la gare quand on annonçait l’arrivée de soldats venant du front de l’Est, jusqu’au jour où un courrier leur a annoncé sa disparition. Jacqueline se souvient d’une maman très maigre, toujours habillée de noir avec une grand tristesse qui ne la quittera pas jusqu’à son décès. En 2007, c’est lorsque M. Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, demanda aux enseignants de lire dans toutes les écoles la dernière lettre de Guy Moquet avant d’être fusillé à l’âge de 17 ans, que Jacqueline fit un rapprochement avec ses frères. Elle entreprit des recherches, d’abord dans les archives familiales puis sur différents lieux où avaient passés ses frères. Mme Georg Lieby, aujourd’hui présidente de l’AERIA, l’a accompagnée dans ses démarches. Ainsi elle a pu retracer leur histoire et transmettre à ses frères et sœurs, à sa fille et ses petits- enfants une partie de l’histoire familiale.

Jacques Knecht, né le 11 novembre 1924, fusillé le 21.02.1945.
Apprenti dans une entreprise de bois, il est envoyé en Bavière du 18 avril 1942 au 26 septembre 1942 pour le Reichsarbeitsdienst, à tout juste 18 ans il fut incorporé de force. D’abord affecté sur le front de l’Est en Pologne, il est envoyé dans le Caucase où il fut blessé au poumon. Après sa guérison il est muté comme traducteur à la Kommandantur de Tournon sur le Rhône.
A Tournon il profita de ce poste à la Wehrmacht pour aider la Résistance. D’après les documents de l’Armée Française, il déserta le 1 avril 1944 pour rejoindre les Francs-tireurs et Partisans (FFI) où il fut affecté à la 710ème compagnie commandée par Jean Perrin alias « Basile ». Lui-même prit le nom de code « Jackie ». Il participe à de nombreux combats au sein des Forces françaises de l’intérieur (FFI) dans l’Ardèche. Le 5 juillet 1944, près de Cheylard, alors qu’il commandait une trentaine de caucasiens déserteurs de l’armée allemande, il est blessé et capturé. Les parents reçoivent une dernière lettre datée du 12 novembre 1944 dans laquelle il écrit : Je me trouve actuellement prisonnier en Allemagne pour terrorisme et considéré comme évadé. Je suis en détention mais pas encore condamné. Toutes les semaines j’ai le droit de recevoir 2 lettres de 20 lignes et tous les 14 jours un paquet de 2 Kg. Je vais bien et suis en bonne santé. Je ne voudrais pas que vous m’envoyiez des colis mais seulement un journal pour que nous ayons quelque chose à lire, les livres sont interdits. Et il termine Je vous embrasse tous de tout cœur et un bonjour à toutes les connaissances.
Le 21 novembre 1944, il est condamné à mort pour désertion et espionnage et fusillé le 21 février 1945 dans la forteresse d’Ingolstadt en Bavière. L’adjudant Delvecchio écrivit en 1953 : « Après nous avoir rendu divers services tout en conservant son poste à la Wehrmacht, Knecht rejoignit un Corps Franc à Lamastre. Après divers engagements contre les Allemands à Douce-Plage, Jackie tombait à mes côtés en même temps que Roger Davion, de l’Isère.
Grièvement blessé, il fut emmené par les Allemands, puis déporté et fusillé ». Le 27 juillet 1944, le lieutenant Perrin certifia que Jacques Knecht, « cité à l’ordre de la région FTPF Ardèche lors d’un combat à Douce-Plage prés de Tournon » a disparu lors de la bataille du Cheylard : « Soldat d’un courage allant jusqu’à l’héroïsme, il a participé à de nombreuses expéditions et combattu dans la vallée du Rhône. Après avoir combattu toute une journée côte à côte avec son lieutenant lors d’une attaque allemande au Cheylard, il a été encerclé par l’ennemi.
La France, l’Alsace peuvent être fiers de tels fils ». En mai 1945, la famille reçut une lettre du curé de Manching zu Ingolstadt, Otto Frey, qui avait assisté Jacques dans ses derniers jours à la prison. En 1950, la famille fit rapatrier le cercueil au cimetière de la Robertsau. Jacques Knecht y repose dans la tombe familiale. Jacques aura donc été inhumé 3 fois : par les allemands dans une fosse commune, par le curé Otto Frey qui ramena quelques semaines plus tard le cercueil dans le cimetière à Ingolstadt, et enfin au cimetière nord à la Robertsau dans la tombe familiale. Il fut reconnu Mort pour la France et porte le titre de « Déporté Résistant ». Il fut décoré de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec Palmes et de la Médaille de la Résistance française.

Son frère René Knecht est né le 25.10.1925.
A 17 ans il est affecté au Reichsarbeitsdienst à Karlsruhe et après trois mois de formation au nazisme, il est incorporé dans la Wehrmacht et envoyé sur le front de l’Est. Porté disparu sous l’uniforme allemand en Hongrie à Puspokladany, le 5 octobre 1944, 17 jours avant ses 19 ans, au cours d’une offensive des troupes soviétiques. Peu de jours avant sa mort, il avait écrit à sa famille, le 5/10/44, en commençant sa lettre par « Erde » « quelque part sur la terre », ignorant où le destin l’avait amené. Chère maman ne te fait pas de soucis pour moi, tu sais comment c’est la guerre ! Cette lettre je l’écris appuyé sur le col d’un alsacien. Nous avons assez à manger, les villageois sont partis et les animaux se promènent dans les rues. On peut manger ce qu’on veut et bientôt cette guerre sera terminée. Depuis deux jours je dors dans un fossé mais nous avons l’habitude. Je termine dans l’espoir de vous revoir bientôt.
Et en bas de la page il rajoute Jacqueline je reviens bientôt. Le 8 octobre (3 jours plus tard) ils sont attaqués par des tanks et mitrailleuses russes. René est porté disparu en Hongrie à Puspokladany. C’est un courrier du chef de la Batterie qui annonce à ses parents la disparition du camarade canonnier René Knecht.

En 2013, à l’initiative du maire d’alors Roland Ries, une rue à la Robertsau a été nommée Jacques et René Knecht.

CL