Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples

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Une double peine et le besoin d’écoute, de considération et de reconnaissance

mardi 14 décembre 2021

Un article de Georges Yoram Federmann

1) Une double peine.

A travers nos engagements professionnels et citoyens, nous avons une expérience certaine de l’accompagnement des personnes victimes de violences extrêmes : rescapés des camps, incorporés de force, survivants de la traversée de la Méditerranée, victimes de guerres ou d’attentats, sans papiers ballotés et méprisés.

Souvent, l’on constate que la douleur morale obsédante et envahissante, celle qui isole et désespère, ne s’éteint jamais tout à fait. Un rien, un bruit, une odeur, une image suffit parfois à réactiver la sidération et le sentiment d’incrédulité.
Souvent, la reprise du cours « normal » de la vie est insupportable car l’esprit et la mémoire restent prisonniers du drame, de ce moment irréductiblement imprimé dans le cerveau, le cœur et le ventre, à l’origine de ruminations incessantes, de nuits peuplées de regrets et de cauchemars où l’on tente désespérément de réécrire l’histoire. On se retrouve alors à côté des autres qui « ne peuvent pas comprendre » et comme « en dehors » de soi-même.

Aujourd’hui encore, on imagine mal toutes ces détresses et ces souffrances chez des hommes et des femmes qui offrent l’image d’une vie pratiquement « normale » et qui vont être trop rapidement considérés comme « stabilisés » par les experts psychiatres de l’ OFII ( malgré le soutien des médecins traitants) et, avec eux, par l’ensemble de la société. Pour certains, l’intégration socioprofessionnelle préservée permet de réguler tant bien que mal les souvenirs de l’horreur. Mais pour beaucoup d’autres, déjà vulnérables, le drame précipite des situations de détresse sociale et psychologique généralement mal comprises, sous-évaluées et peu valorisées.

2) Besoin d’écoute, de considération et de reconnaissance

Que dire de l’isolement dans lequel se trouvent projetées ces frères et sœurs en humanité quelques mois ou quelques années après leur drame, une fois celui-ci chassé des mémoires par un nouvel événement médiatique ? Ces hommes et ces femmes se retrouvent alors confrontés à l’oubli et à l’indifférence, sorte de répétition de la violence subie et d’une certaine manière de deuxième arrachement des proches perdus.
Témoins privilégiés des confidences de ces personnes, nous sommes convaincus de la nécessité de nous mettre à l’écoute de leur douleur et de leurs expériences, pour les prendre en considération et leur faire une place dans la société. Les victimes des drames de l’immigration ( « Les Damnés de la mer »), comme toutes les autres, ont besoin de reconnaissance (matérielle et symbolique), de célébrations collectives qui réaffirment leur inclusion dans la communauté (et et d’une évaluation équitable de leur préjudice matériel et psychique, ce qui est rarement le cas compte tenu de la tendance de nombreux experts à minimiser les conséquences dévastatrices de ces traumatismes).
Ces citoyens de résidence le plus souvent déjà intégrés mais avec moins de droits revendiquent la « régularisation pour tous » que nous soutenons car nous sommes convaincus que cela participera à l’éclosion d’une richesse collective.
Notre devoir civique et politique doit nous amener à cultiver une vigilance de chaque instant à l’égard de toutes les aspirations au rejet de « l’autre », de l’étranger comme des personnes les plus vulnérables, dont nous voyons combien elles marquent l’actualité politique et notre propre campagne présidentielle.

Georges Yoram Federmann
Claude Latger
Jeanne Teboul