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Une sortie de l’état d’urgence sanitaire en trompe l’œil : Les menaces sur les droits et libertés perdurent

samedi 20 juin 2020

Communiqué de la Commission Nationale Consultative des Droits ;de

Une sortie de l’état d’urgence sanitaire en trompe l’œil :
Les menaces sur les droits et libertés perdurent.

Alors que les députés commencent à en débattre, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) alerte sur le danger que fait peser le projet de loi organisant la fin de l’état d’urgence sanitaire sur le respect des droits et des libertés.

Contrairement à ce que suggère son titre, ce projet de loi vise à reconduire nombre des pouvoirs exceptionnels octroyés au Premier ministre par l’état d’urgence sanitaire, et ce alors même que « la situation sanitaire est en voie de nette amélioration », comme le reconnaît lui-même le Premier ministre dans la présentation de son projet de loi.

Depuis l’adoption de la loi du 23 mars 2020, la CNCDH a fait part à plusieurs reprises de son inquiétude à l’égard du risque de pérennisation de l’état d’urgence sanitaire, et de l’entrée dans le droit de commun de certaines mesures particulièrement attentatoires aux droits et libertés, comme la France a déjà pu le connaître à la suite de l’état d’urgence post-attentats.[1]
Le projet de loi qui est débattu par l’Assemblée nationale depuis ce matin confirme les craintes de la CNCDH.

Il tend à normaliser une approche policière de la santé publique, alors que les cas de contamination sont en net recul, et que les personnes contaminées peuvent bénéficier d’une prise en charge médicale appropriée. Le texte évoque seulement des « incertitudes liées à l’évolution de la situation sanitaire », pour renouveler au bénéfice du Premier ministre, durant quatre mois, le pouvoir de restreindre, à des fins de préservation de la santé publique, l’exercice des droits et libertés fondamentaux tels que la liberté d’aller et venir, la liberté de se réunir et la liberté de manifester.

La CNCDH entend rappeler que l’habilitation conférée par le Parlement au Premier ministre de porter atteinte à des droits garantis par la Constitution, dans des termes aussi larges, doit répondre à une impérieuse nécessité et ne saurait être justifiée par des « incertitudes ».

Cette reconduction d’une partie des pouvoirs exorbitants de l’état d’urgence sanitaire s’accompagne, en outre, du régime de sanctions qui lui est associé, alors même que sa conformité à la Constitution pose question. En effet, les doutes quant à la constitutionnalité de ce régime (tant du point de vue de la légalité des délits et des peines que du point de vue de la présomption d’innocence) ont conduit la Cour de cassation à saisir le Conseil constitutionnel qui devra trancher.

Ces pouvoirs exceptionnels font peser de graves menaces sur les droits et libertés fondamentaux. La CNCDH s’inquiète en particulier, dans le contexte actuel, du risque au nom de la « santé publique », d’atteintes au droit fondamental de se réunir et de manifester, alors que des manifestations pourraient être organisées dans le respect des règles sanitaires, comme l’a rappelé le Conseil d’État dans son ordonnance du 13 juin dernier.

La CNCDH, dans sa mission de conseil des pouvoirs publics pour les droits de l’homme, appelle à rétablir au plus vite les principes de l’État de droit.

[1] Avis « Etat d’urgence sanitaire et État de droit », adopté le 28 avril 2020, Avis « Prorogation de l’état d’urgence sanitaire et Libertés », adopté le 26 mai 2020.