Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples

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Une tribune de Mmes et MM. G. Y. FEDERMANN, Pr Philippe LIVERNEAUX, Dr Alexandre FELTZ, Dr Anny ZORN, Dr Arnaud VEISSE (directeur du COMEDE), Michèle BOEHM, travailleuse sociale

samedi 23 novembre 2019

Mmes et MM. G. Y. FEDERMANN, Pr Philippe LIVERNEAUX, Dr Alexandre FELTZ, Dr Anny ZORN, Dr Arnaud VEISSE (directeur du COMEDE), Michèle BOEHM, travailleuse sociale

« L’actualité récente montre combien l’accueil et l’aide aux plus démunis peuvent être délicats et problématiques.

Ils imposent une probité exemplaire et une énergie redoublée de la part des médecins.

Strasbourg, berceau de l’humanisme rhénan, a ainsi développé des pratiques destinées à favoriser l’accueil des étrangers malades et s’est imposé comme précurseur en la matière.

L’engagement de quelques médecins généralistes et psychiatres est devenu si efficace qu’il a même suscité la suspicion des autorités de tutelle, en pure perte. (*)

L’exercice de la médecine demande beaucoup d’abnégation, une sensibilité et une attention aiguisées, d’être en permanence à l’affût des évolutions et des marqueurs sociaux tels que la pauvreté, l’analphabétisme, l’isolement social, les handicaps psychiques, les toxicomanes, les SDF, les mères célibataires et les dévastations occasionnées par les conflits de toutes sortes, dans lesquels notre pays est parfois directement impliqué.

Il s’agit aussi de se mettre à la portée des plus fragiles, en appliquant les tarifs opposables du secteur 1 et en proposant le tiers payant à chaque fois que l’usager est en dessous du minimum social, ou incapable d’avancer le montant de la consultation.

Il s’agit de le traiter en égal et de profiter de son expertise sans l’infantiliser.

Le médecin doit aussi sortir du discours technique et des classifications qui peuvent éloigner le patient de la possibilité d’une rencontre, ou l’enfermer dans une case d’où il aurait du mal à s’extraire.

Le médecin s’engage de plus en plus dans un travail de collaboration et de collégialité qui associe les pharmaciens, les infirmiers, les psychologues, les travailleurs sociaux, les intervenants scolaires, les éducateurs et les avocats (dans le respect du secret professionnel).

La santé n’est plus le silence des organes que l’on pouvait exiger à une époque, c’est le respect d’un équilibre écologique qui tient compte des dimensions physique, psychologique, sociale, professionnelle, historique, politique et anthropologique, qui caractérisent et surdéterminent chacun d’entre nous.

Le médecin ne peut plus exercer toute sa vie, de manière insulaire, comme si son cabinet était le centre du monde.

La médecine ne s’apprend pas qu’à la faculté mais sur le terrain de l’accompagnement, au quotidien des défis et des épreuves qui rattrapent les patients.

Elle passe par la reconnaissance par les pouvoirs publics de l’octroi de plus de moyens humains, qui s’avèrent, dans le quotidien, plus thérapeutiques que les moyens techniques, notamment informatiques ou de vidéosurveillance.

La médecine ne pourra jamais se passer de l’humain, sauf à risquer de nous replonger, collectivement, dans la quête de l’homme idéal, que l’extrême droite appelle toujours de ses voeux, avec le risque mortifère d’exclure tous ceux qui, parmi nous, ne lui correspondraient plus ou joueraient la fonction de bouc-émissaire, dans une période sociale et politique de plus en plus tourmentée qui tend à séparer les Hommes et les communautés plutôt que de tenter de les rassembler.

Les bons soins portés aux plus fragiles, le plus tôt possible, sans carence, constituent un paradigme de notre capacité d’accueil ou de nos postures de rejet.

Une évidence en cette période de fêtes, de « partage » et de solidarité, à un moment où les pouvoirs publics décident d’instaurer une carence des soins de trois mois pour les demandeurs d’asile : mesure que tous les soignants trouvent désastreuse en termes de santé publique.

Mais faut-il toujours attendre les drames humanitaires ou les affaires de droit commun pour « spectaculariser » la misère, rendre notre compassion grandiloquente et se souvenir que « l’hiver dure bien plus de 90 jours » pour les démunis ? »

(*)En 2008, il a été demandé à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l’Inspection générale de l’administration (IGA) de procéder à un contrôle des modalités de délivrance des titres de séjour aux étrangers malades dans le département du Bas-Rhin. Le rapport, établi en janvier 2009 par Michel Vernery, inspecteur général des affaires sociales (rapport No RM2008-085P) et Tristan Florenne, inspecteur général de l’administration (rapport No 08-047-01), conclut non seulement à l’absence de fraudes mais aussi à la vertu des pratiques médicales.


Cette tribune est parue ce matin 23 novembre dans le courrier des lecteurs des DNA