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La santé des voyageuses et voyageurs : compte rendu de l’après-midi très intéressant organisé par LUPOVINO

vendredi 8 mars 2024

LES GENS DU VOYAGE (MANOUCHES, GITANS etc) SONT LES PLUS MAL PERCUS EN EUROPE. D’où L’IMPORTANCE DE SE MOBILISER à LEURS COTES !

Au Pavillon Joséphine dans le parc de l’Orangerie à Strasbourg, gracieusement mis à disposition par la Mairie, environ 100 personnes ont pu profiter ce 5 février de conférences-débats fort intéressantes et des réponses aux questions posées depuis la salle.

A l’entrée et lors de pauses les participants ont pu apprécier l’exposition du MRAP Voyageuses et voyageurs. Que veulent-ils ?

Marie Amalfitano de LUPOVINO nous a fait part au début de l’espérance de vie des voyageurs inférieure de 8 ans et de 11 ans pour les voyageuses par rapport à la population générale en France. Elle met l’accent sur leurs lieux d’habitation qu’ils n’ont pas choisis et qui souvent sont proches des déchetteries, des stations d’épuration, des axes routiers voire sous les ponts des autoroutes, des entreprises polluantes et dangereuses.

Nathan Grassaud, chargé de projet territorial et culturel, dans le cadre du projet "Habitons ensemble le Polygone, figures communes", remercia les partenaires de Lupovino pour cette journée.

William Acker, délégué général de la l’Association des Gens du Voyage Citoyens (ANGVC), juriste, auteur du livre Où sont les « Gens du Voyage » ? Inventaire critique des aires d’accueil, militant pour faire connaitre l’histoire de ces populations exposa très clairement et parfois avec humour, les discriminations dont sont l’objet les « Gens du voyage ».

Sa famille est en France depuis 400 ans.
Celles et ceux qui étaient appelés « nomades » vers 1912 étaient contrôlés et fichés par un carnet anthropométrique, une carte d’identité avant l’heure à caractère raciste. Ils étaient accusés de propager des épidémies. Vu les lois existantes, ils étaient de ce fait contraints à l’errance. C’est encore le cas aujourd’hui (voir plus loin).
Peu avant 1940 ils ont été internés par la Police française et une grande partie a été déportée et exterminée par les nazis durant l’occupation.
Cette histoire n’est pas abordée dans les programmes scolaires et reste très peu connue.
En 1969 ils sont appelés administrativement « Gens du voyage »
Contrairement à ce qui se passe en Belgique, la caravane n’est pas reconnue comme habitation et ne peut pas stationner au même endroit plus de 3 mois. Or les voyageurs comme toutes autres personnes veulent habiter quelque part et pouvoir voyager. Quand vous êtes virés tout le temps vous disparaissez des radars de l’école, des soins de santé etc. C’est là un problème important. Depuis 1983 une loi oblige les communes de plus de 5 OOO habitants à créer des lieux d’accueil mais seuls 25% des départements ont fait ce qu’il fallait. Ces terrains sont payants (12 € par jour soit environ 360 € par mois) pour un service souvent très insuffisant avec parfois des murs et des barbelés. Sauf exceptions, la caravane ne donne pas lieu au versement de l’Aide Personnalisée au Logement (APL). L’eau et l’électricité, quand il y en a, sont payables d’avance.
La loi Besson a un effet pervers car s’il y a une aire d’accueil, la municipalité peut interdire aux Gens du voyage de s’installer ailleurs sur la commune. Les collectivités réussissent presque toujours à expulser les voyageurs en invoquant divers motifs.
Ces terrains sont souvent situés dans des lieux où personne ne veut habiter. A Nantes l’un se trouve sur une ancienne décharge émettant des gaz toxiques. Lors de l’incendie de l’usine de produits chimiques de Lubrizol à Rouen le 26 septembre 2019 classée Seveso seuil haut (« à haut risque »), le terrain d’accueil n’a pas été évacué.
Les Gitans précarisés peuvent être regroupés dans des quartiers où il n’y a qu’eux, quartiers qui sont alors stigmatisés.

Frédérique Qurino Chaves responsable du pôle santé de la Fédération Nationale des Associations Solidaires d’Action avec les Tsiganes et Gens du voyage (FNASAT), dit que l’OMS estime que disposer d’un logement et d’un environnement favorable sont indispensables pour vivre en bonne santé. Or 40% des terrains d’accueil n’ont pas de bloc sanitaire et 20% pas d’eau potable.
Une étude sur la santé des gens du voyage est parue en février 2024 portant sur 1030 adultes et 337 enfants. Les pathologies sont plus nombreuses que dans la population générale. L’asthme dû à des pesticides, les intoxications aux métaux lourds, notamment au plomb (provoquant le saturnisme), sont fréquents. L’hypertension artérielle, l’obésité sont plus fréquentes respectivement de 10% et de 7% que dans la population générale. La couverture vaccinale des enfants est de 45% quand elle est de 92% pour les enfants en général. Les recours aux soins sont limités à cause du manque de transport, des médecins qui ne prennent plus en charge de nouveaux patients, des discriminations et des préjugés au sein du personnel de santé.

Laure Pain, conseillère médicale pour l’Agence Régionale de Santé Grand Est, référente santé et précarités du Bas-Rhin, parla de la nécessité de réduire les inégalités sociales en général, d’avoir accès aux soins quand on est malade. Les maladies cardiovasculaires, le diabète, les effets du tabac, les cancers sont plus nombreux parmi les gens du voyage que dans la population générale en France. Les psychotropes, les aliments trop gras ou trop salés ont des effets négatifs sur la santé souvent par méconnaissance. Le système de santé a besoin aussi de s’adapter aux populations, à leurs croyances, aux coutumes et à leurs peurs.
Une infirmière dit apprendre petit à petit à connaître cette population, à trouver un médecin traitant identifié qui suit chaque personne. Les soins dentaires, le dépistage des maladies, la prévention notamment pour l’alimentation, faire en sorte que les voyageurs soient acteurs de leur santé sont des pratiques à mieux prendre en compte.

Le Docteur Carole Mathelin, cheffe du service chirurgie de l’Institut de cancérologie Strasbourg Europe, gynécologue obstétricienne et membre du Conseil d’administration de Lupovino a fait un débat interactif très vivant. Elle posa des questions à l’auditoire sur les facteurs de risque de cancer du sein pour permettre de se rendre compte des idées exprimées et donna ensuite les réponses issues d’études épidémiologiques sérieuses portant sur un grand nombre de personnes.
Lupovino peut ainsi informer les gens du voyage bien au-delà de l’Alsace.
Les principaux facteurs de risque pour le cancer du sein, dit-elle, sont le surpoids et l’obésité après la ménopause, la sédentarité, la consommation excessive d’alcool, les carences en vitamine D et de sommeil, les acaricides présents dans les oreillers. Faire des bébés en étant jeune a un effet bénéfique de même que s’inspirer pour l’alimentation du régime méditerranéen sans pesticides ont des influences bénéfiques. Contrairement aux anti-transpirants, les déodorants sont inoffensifs.
L’environnement joue un rôle important. C’est une des raisons pour lesquelles en Alsace sont actuellement analysés les effets de 570 pesticides, de métaux, des polluants permanents.
Les cancers d’origine génétique représentent seulement 5 à 10% des cas, surtout chez des femmes de moins de 30 ans mais une simple prise de sang permet de détecter les prédispositions génétiques.
Les diagnostics précoces permettent de guérir des cancers qui seraient fatals plus tard. Les mammographies sont très utiles et sont à poursuivre, après 74 ans.

William Acker a apporté ensuite quelques précisions.
Comme dans le reste de la société il y chez les voyageurs des personnes très riches et d’autres pauvres. La disparité sociale y est très grande.
Le basculement des croyants catholiques vers les évangélistes crée un entre soi religieux et des dérives sectaires très importantes avec l’apparition de chefs, notion étrangère à la culture traditionnelle des gens du voyage.
Il y a des tabous au niveau de la sexualité, de l’hygiène intime.
Il y a beaucoup de femmes isolées et beaucoup de dépressions.
Les députés parlent des gens du voyage mais ne leur parlent pas.

A l’avenir le fait que des sols devront servir à nouveau à l’agriculture, fera que les immeubles seront de plus en plus hauts mais aussi que les zones d’accueil pour les voyageurs seront plus retreintes.

Un excellent buffet préparé et servi par des membres du Centre Social et Culturel du Neuhof a été offert et a permis dans une ambiance conviviale aux personnes présentes de se connaître et de nouer des liens.

La réunion s’est terminée par un concert de musique très apprécié du groupe de Jazz manouche Amati